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Mon frère L. Gomis N°64 Suzuki 370 SP (+DC3 Piot)

mercredi 20 février 2008

Par François Gomis... Bonjour, mon frère Laurent a fait le premier Dakar sur une Suzuki SP 370. Nous étions aidés par l’importateur Suzuki pour courir en endurance et plus si affinité. Pour le Dakar mon frère a trouvé un budget, moi non. Mais si lui était en bas, moi j’étais en haut dans le DC3 qui suivait les engagés sur Honda 250 XLS, emmenés par J.F. Piot. Tout cela était un peu remuant mais très sympa et surtout bien amusant.

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ça bosse devant l’avion...

Quels bons souvenirs. Bien sûr il y a quelques anecdotes sur le premier Dakar et même vu du DC3, c’était coton ! Le DC3 en lui-même était déjà une aventure. Mais bon, c’était quant même nettement moins dur qu’en bas. Rien à voir. Qu’est-ce qu’ils en ont bavés !!!! Nous avec le Dakota, nous avons démarré de Toulouse. Je me souviens que Jean-François Piot voulait que l’avion soit rempli à ras-bord de pièces pour les Honda 250 qui faisaient le rallye, mais cela faisait trop lourd. Et le pilote, Hugues de Mallet (de mémoire, à confirmer) ne voulait pas tout prendre. Alors, une partie du stock que l’on avait apporté est resté dans le hangar pour revenir chez Honda France. Nous avons fixé la cargaison comme on a pu, nous nous sommes installés et gaz. Seulement, l’avion était très très (trop ?) chargé. Et il a fallu tourner et tourner encore pour grimper suffisamment pour passer les Pyrénées. Ça n’en finissait pas !!! Et à un moment, viva Espana et direction l’Afrique. Sympa. Le bruit et les vibrations des moteurs à fond quand on tournait en rond pour prendre de l’altitude... Inoubliable. Nous étions installés dans la carlingue bien attachés sur des sièges de Caravelle. Mais les sièges étaient à peine fixés au plancher. On a rejoint le rallye en Algérie. Puis on s’est pris une tempête de sable en arrivant à Agades. Le pilote s’est repéré comme il a pu sur le minaret, a fait une boucle à l’aveugle en descendant, et a tout lâché quelques secondes plus tard. Bien vu. On était au-dessus de la piste ! Mais rien à envier au Marsupilami pendant quelques secondes. Un piston a lâché en vol (suite de la tempête ? Réparé sur l’aéroport de Bamako). Un jour, le même pilote s’est cogné la tête dans une petite antenne dressée sous la carlingue. Il a pris un marteau et voulait exploser l’antenne. Je revois encore le co-pilote (un grand type calme qui était là pour faire des heures de vol) le retenant en l’engueulant. Je crois que le pilote avait un petit coup dans le nez. Et le mécano....

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L’avion HONDA !!!

A l’en croire, il avait fait l’Aéropostale. Et il ne marchait pas à l’eau douce, lui non plus. La réserve obligatoire d’eau était en fait composé de deux gros "cubi". Celui du dessus, visible, c’était l’eau. Celui du dessous, caché par un grand tissu, c’était du rouge. Dans la voiture et dans la moto, il y a des allumés de première, mais dans l’aviation, ils ne sont pas en retard ! Quel plaisir de revoir le vieux coucou grâce aux photos de François Beau. Ceci dit, la grande Aventure, elle était en bas avec les concurrents et les vrais suiveurs. Notre petite équipe était là pour que les pilotes Honda vivent au mieux leur Dakar. Nous étions tous des pro de la moto (trois mécaniciens de compétition et deux pilotes inter vitesse/endurance), toutefois on peut dire maintenant que nous n’avions pas eu de formation sur la XLS 250 pour être opérationnels comme l’auraient souhaité certains concurrents.

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La HONDA 205 XLS, toute nouvelle en 1979.

En fait, nous ne connaissions pas cette moto à peine commercialisée et découverte au fur et à mesure des quelques problèmes de jeunesse survenus en cours de rallye. Il a fallu faire au mieux. Un ou deux pilotes nous ont engueulés, injustement à notre sens. Le fait que nous étions bénévoles n’a rien à voir. On avait accepté le deal proposé par Jean-François Piot, point barre. Mais il y a une sacrée différence entre un stand au Bol ou aux 24 Heures et le premier Dakar. On a terminé sur les rotules, très heureux pour ceux qui sont arrivés, malheureux pour ceux qui ont du abandonner. Je me souviens d’un pilote amateur hyper sympa. jean-Pierre Tonneline. Rapide et carré. Avec Piot et son Toy, on l’a retrouvé sur la piste que l’on a remonté à l’envers. Il avait cassé son moteur. Irréparable. Il a absolument voulu rester dormir en pleine brousse à côté de sa moto pour attendre le camion-balai. Je ne sais plus qui a parlé en premier de lion (le roi des animaux). A mon avis, il n’y a jamais eu de lion dans cette brousse, mais fatigue aidant, on s’était fait un plan comme l’on dit maintenant. Avec Piot, on en était malade de le laisser tout seul. Lui est resté imperturbable. Je crois qu’il voulait profiter au maximum de l’Afrique, de sa magie.

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Les motos chargées dans le camion balai !!!

Dormir seul complètement paumé en pleine brousse, avec en plus de l’adrénaline, c’était pour ce pilote une manière de finir son Dakar en beauté. Je le revois encore quand nous l’avons laissé au soleil couchant. Il a bien sûr été pris le lendemain par les artistes du volant du camion-balai. Classe Tonneline. L’Aventure, c’était lui. L’avion est anecdotique. Ceci dit, à Toulouse avant de décoller, le pilote nous a fait visiter la cabine. Glup... Qu’en dire sinon qu’elle était très rétro. Il y avait une vieille lampe électrique à pile toute pourrie accrochée juste au-dessus de son manche à balai. Le pilote a juste dit que c’était pour lire les instruments la nuit ! L’éclairage des instruments ne fonctionnait plus. Et on a décollé ... de nuit... Ce n’était que le début

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L’assistance HONDA

Avec le DC3 je ne suis pas sûr que c’est à Bamako que le mécano a refait le piston, je pense m’être trompé. Ça devait être à Niamey. Nous sommes restés deux nuits, le temps de recevoir les pièces et de réparer. L’avion était parqué sur une piste perpendiculaire à la piste principale. Il m’en est d’ailleurs arrivé une bonne. Je ne sais plus quand, je regagne l’avion et au lieu de marcher sur la piste, je coupe. Les herbes étaient assez hautes, j’avançais tranquillement. Soudain je me retrouve avec une mitraillette dans un trou de nez. L’avion du Président était attendu et deux militaires assuraient la sécurité cachés dans les herbes (je l’ai su après et il y en avait sûrement d’autres planqués). Je n’ai rien vu venir. Des pro les types. Il n’y a bien sûr qu’une chose à faire dans ce cas : NE PAS BOUGER. Ce que j’ai fait. Je n’ai même pas dit bonjour. Le second militaire me pointait le milieu du front avec un gros truc avec un gros canon. C’était moins gros qu’un tank mais plus gros que la mitraillette. Je n’y connais rien en armes. Et les deux paras Black étaient eux aussi très gros, surtout vus de près. Celui qui augmentait le diamètre de l’un des deux orifices de mon appendice nasal m’a demandé où j’allais. Ma réponse fut polie, courtoise même : "Je suis dans l’équipe Honda et je vais chercher des affaires dans l’avion qui est là-bas, Monsieur" (vous noterez le Monsieur, plus important qu’il n’y parait en la circonstance) dis-je en indiquant la direction du DC3 avec les yeux (SURTOUT NE PAS BOUGER). Ils me crurent, ce qui me combla d’aise.

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Assistance au milieu du désert...

Le premier ôta le canon de sa mitraillette de ma narine, le second dirigea sa grosse Bertha ailleurs que vers mon front inquiet. "Vous avez des t-shirt ?" me demanda alors le même second. A votre avis, avais-je des t-shirts ? Plein, des tas, autant qu’ils voulaient. Et des beaux. Que quelques-uns de mes collègues du team Honda cessent de s’interroger sur la disparition d’au moins quatre t-shirts Honda de leurs sacs, sacs qu’ils avaient laissé dans le DC3. Le voleur, c’était moi. Parce que pour être sincère, après avoir dit : "Bien sûr, je vous en rapporte" aux deux soldats, je me voyais mal repasser devant eux les mains vides. Question d’éthique. J’ai donc été dans l’avion pour y voler les t-shirts des copains et les donner aux militaires. Pour le vol, il y a prescription. Le reste est encore aujourd’hui un souvenir épatant, formidable. Bon, j’ai un peu exagéré. Le canon de la mitraillette, il n’était pas dans mon trou de nez mais juste devant. Mais je vous assure que j’ai dit Monsieur. Et c’est une histoire vraie.

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Les HONDA à l’assistance...

Pour revenir à la course, la Honda 250 XLS était une très bonne moto. Comme je l’ai déjà dit, elle était vraiment toute jeune, d’où deux ou trois défauts. Et il faut pas oublier que pour les pilotes comme pour les meules, les conditions étaient vraiment extrêmes. J’ai lu pas mal de témoignages sur votre site. On n’a effectivement pas beaucoup mangé et tout le monde s’est pas mal engueulé ! Nous, nous nous occupions des Honda totalement privées, et pas un de nos pilotes ne méritait le nom de poireau. Nous avions beau tous être rodés à la moto de haut niveau, nous nous sommes vraiment mis à leur service, on se sentait vraiment solidaires d’eux, même si l’un d’entre eux nous a pourri après. Pas grave. Jean-François Piot avait fait un boulot extra même si tout cela était vraiment une première. Et pour ne rien vous cacher, je suis très fier d’avoir été de cette époque épique. Je suis retourné deux fois sur le Dakar quand je travaillais pour l’écurie Pernod (mon meilleur souvenir à Hubert Auriol et à Martine de Cortanze) et comme journaliste pour le Matin de Paris. Et bien ce n’était plus pareil. Il n’y a eu qu’un premier Dakar. Lapalissade ? Qu’importe. Thierry Sabine nous avait emmené dans une histoire folle. Ce type était quand même incroyable. Tout cela était incroyable. Et pourtant elles et ils l’ont fait et, derrière eux, nous l’avons fait.

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Tout beau, tout propre au trocadéro...

Un dernier mot sur mon frère Laurent. Il n’avait pas d’assistance, vous devriez trouver une demi-étape qui a été annulée (conditions trop dures) mais le frère l’avait gagné ... pour rien. Les trois derniers jours, le pneu arrière était collé sur la jante, complètement fichue, avec de l’araldite ! A l’arrivée, il m’a dit : "laisse tomber, c’est un truc de c...". Pourquoi ? Parce qu’en Afrique, par rapport au circuit, le terrain est plus fort que le pilote qui subit beaucoup plus qu’il ne contrôle. Et il devait estimer que le danger était trop imprévisible, trop vicieux. C’est du moins ce que j’ai compris. Alors il n’est pas revenu en moto et moi je n’ai pas cherché à y aller. Mais lui, et moi dans une moindre mesure, avions fait le principal : nous étions au premier Paris-Dakar.

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Prêt à repartir avec David (n°45)

Laurent dit d’ailleurs qu’il a toujours gardé une marge de sécurité en moto. Convenez que sur le premier Dakar (et sans doute encore aujourd’hui), il devait être bien difficile de garder cette marge ! D’où sa réflexion (avec une formulation "à chaud", ne l’oublions pas puisque le lendemain de l’arrivée à Dakar). Après, il n’a pas changé d’avis. D’autres ont continué. Ceci dit, Laurent, très polyvalent, allait bougrement vite malgré cette marge de sécurité.

Un regret, non pas sur le rallye mais sur cette partie de l’Afrique que j’ai entrevue. Il y a toujours tellement de souffrance. Ce rallye, dont on ne sort pas intact, est un moyen de rappeler à tous ce qu’est l’Afrique, même si on va trop vite, trop fort et surtout sans lui donner assez.

Interview de laurent Gomis

Une petite interview sur la plage ...

Portfolio

La montée sur le bac... Tout beau, tout propre au trocadéro... L'assistance HONDA Laurent au premier plan en pleine réparation... Assistance au milieu du désert... L'avion HONDA !!! Réparations à Gao (avec Kurrer)... Gomis, Kurrer, Henriet, et le Pinz d'assistance du Cournil... Prêt à repartir avec David (n°45) Entretien général... Les motos chargées dans le camion balai !!! Les HONDA à l'assistance... ça bosse devant l'avion... Le camion Balai La HONDA 205 XLS, toute nouvelle en 1979.

P.-S.

Un immense merci à François Beau pour la majorité des photos qui illustrent cet article !!!!. Lire une interview de Laurent Gomis sur BikE70 à propos de ses années moto.

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