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L’épopée des "grenouilles"...N°9, 10, 11, 12 et 13

Les d’Aboville à la conquête du désert

jeudi 7 septembre 2006, par Jeff

"Un coupeur de bois, un convoyeur de yachts, un publicitaire, un globe-trotter et un étudiant. On ne les prenait pas tellement au sérieux, ces « grenouilles ». Des joyeux drilles, oui,des spécialistes de l’enduro, non !!. Quant à leur pari de tous rallier Dakar, aucune chance à priori !!! Et pourtant...

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De g. à d. : Norbert, Guillaume, Hubert, Baudouin et Gérard

Lors de mes périgrinations estivales, j’ai pu acquérir un ancien numéro de Moto-Journal, le n°447 du 14 février 1980 qui révèle un dernier bilan de ce second Dakar. Parmi les nombreux articles variés, un consacré à “l’épopée des grenouilles” a retenu plus particulièrement mon attention car j’avais déjà eu des échos des aventures vécues par les frères D’aboville (puisque c’est ça dont il s’agit) par José et d’autres anciens participants. Mais je n’avais jamais pu vraiment lire un quelconque reccueil de leur Dakar...voilà donc qui tombait à pic !!!! Je me permets de vous le livrer en attendant de tenter de contacter l’un des 5 héros de ce récit, afin qu’il nous replonge un peu plus dans leur “calvaire” !!!!

"Un coupeur de bois, un convoyeur de yachts, un publicitaire, un globe-trotter et un étudiant. On ne les prenait pas tellement au sérieux, ces « grenouilles ». Des joyeux drilles, oui, des spécialistes de l’enduro, non !!. Quant à leur pari de tous rallier Dakar, aucune chance ! Pour corser la difficulté, ils avaient choisi une des motos les moins adaptées à ce genre d’épreuve ( bien que robuste), un mécanicien qui ne forcera pas son talent et une assistance que le soleil africain transformera vite en mirage. Dans ces conditions, un abandon par étape aux cinq premières étapes africaines n’aurait surpris personne.

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Plus myopes les uns que les autres : Baudouin inaugure : chute dans la première spéciale, la gueule écrasée. Abandon ? Pas du tout, sous prétexte qu’il a encore une paire de lunettes en état, Baudouin repart. Car en plus, ils sont tous myopes comme des taupes. Le gag !

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Etape In Salah-Reggane : voila que Norbert se paye la seconde place en 250 derrière Desheulles !!! Un accident ? Non, l’accident c’est plutôt Gérard qui se plante et se luxe méchamment l’épaule : pendant quelques jours, ses frères le déposeront le matin tout raide sur sa machine, et les autres concurrents la lui ramasseront, sa machine, lors des nouvelles chutes. Ensuite il pourra se débrouiller tout seul pour ça, merci encore.

Au départ des étapes algériennes, les frangins sont encore ensemble !!!

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Guillaume au départ d’une étape en Algérie

Etapes de nuit sans éclairage : La fameuse boucle de Gao va être le théâtre d’une sélection impitoyable. Les problèmes mécaniques classiques s’ajoutant à la faible puissance des machines, il faut rouler de nuit. Mais le mécano a tellement simplifié l’éclairage que tout prend feu dès qu’on allume !! Et c’est là qu’on découvre une vérité simple : rouler de nuit et sans lumière dans la boucle de Gao, non seulement c’est interdit, mais surtout c’est très lent !!!!

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Les frangins viennent d’arriver au petit matin à Tombouctou… II faut repartir !

On arrive à l’étape, Tombouctou en l’occurence, au petit matin. Juste à temps pour prendre le départ de l’étape suivante, ça tombe bien !! Etape qui coûtera cher à Hubert et Guillaume : 8 à 9 litres aux 100 dans le sable, un réservoir trop juste, et c’est la panne sèche. Une assistance à qui la prudence interdit de rouler de nuit, et la panne sèche dure 15 heures. La mise hors-course à Gao, à une heure près….

Endormi debout dans un épineux !!!! Cette même étape a porté bonheur à Gérard qui a rejoint Gao sans problème après 38 heures de moto non-stop. Seul arrêt : dans un buisson d’épineux où sa moto (mal dirigée sans aucun doute) s’est plantée toute droite. Cela lui a permis un petit somme tranquille sans avoir à changer de position, jusqu’à ce qu’un concurrent attardé intervienne. II retrouve à Gao Baudouin déjà éliminé dans le Tanezrouft par les habituels problèmes d’allumage et d’éclairage, auxquels Toyota et le mécano l’avaient finalement abandonné, et Norbert qui s’en tire bien jusque là mais dont le matériel commence à souffrir. En effet, entre Niamey et Ouagadougou, la chaîne de Norbert rend l’âme et éclate le carter. Prévenu 65km devant, Gérard fait demi-tour, retrouve son frangin et, non ce n’est pas un mirage, le Toyota !!! On répare et ça repart !!!"

La flèche malienne : hors temps !

Ouagadougou, Bobo, Bamako, Kolokani, repos et révision des machines, mais sans l’assistance qui a trouvé une route plus directe pour Dakar, l’hôtel et une bonne douche. Dans l’étape Kolokani-Nioro, Norbert prétend avoir été attaqué par un caillou qui lui a démoli le pied. Quand on voit l’état du pied, le caillou a du avoir très mal.

Pendant ce temps-ta et depuis Gao, Hubert, Baudouin et Guillaume faisaient le forcing, toujours sans éclairage, pour rattraper la course. Aldés par Monsieur Léonard, dit « le St Bernard des traînards », ils iront jusqu’à Bamako. Là, seul moyen de rejoindre la troupe à temps pour raccrocher : le train, de Bamako à Kayes. Cette flèche malienne mettra 40 heures pour les 400 km du parcours. Trop tard. II n’y a plus qu’à continuer à moto vers Lompoul, Sauf pour Baudouin qui grille une soupape, confie sa machine à un Unimog sympathique et son propre sort à un taxi-brousse 404 bâchée.`

Sauvé par son survêtement !

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Gérard (au fond), Norbert (premier plan) et Baudoin (à gauche) sur la plage pour un repos bien mérité

« Ils partirent 14 mais par un prompt renfort, ils se virent 23 en arrivant au port » (PIine l’Ancien ou Apollinaire). Au bord de l’asphyxie, Baudouin est sauvé par son survêtement « Lamont-Sport » dont une manche attire l’attention d’une voiture de presse qui doublait… Merci Lamont !!! Les cinq frangins se retrouvent sur la plage de Lompoul, regrettant bien que dans sa fuite le Toyota ne leur ait passé au moins les duvets (ils auront rarement eu si froid que cette nuit-là). Et c’est la dernière étape. On se tire, on se pousse, notamment Gérard qui termine en panne et à pied donnant là, une fois de plus, la preuve de son caractère individualiste. II sera d’ailleurs la lanterne rouge du classement des motos. Mais les Kawasaki ont bien rempli leur contrat : cinq au départ, cinq à Dakar.

Du défi impossible â la coupe des coupes :

En réponse aux questions du début, le dernier mot sera celui de Thierry Sabine, devant les cinq grenouilles éberluées (et émues), et dans une de ces ovations qui vous font tout oublier pendant un instant : « le prix de la combativité est décerné à l’équipe des frères d’Aboville pour l’acharnement dont ils ont fait preuve tout au long du rallye », P. S. - Comme dit Nicolas Hulot, c’est déjà dur de trouver les affiches « Paris-Dakar en 3 heures par Concorde » en arrivant à Dakar, mais découvrir ensuite un sixième frère d’Aboville, encore plus grand, encore plus myope et, semble-t-i1, encore plus fou, c’est la fin de tout..... et c’est le signataire : Arnaud. »

Voilà donc cet article signé par le 6ème frère d’Aboville, Arnaud. Malgré les galères, les frangins ont réussi leur pari, atteindre la plage de Dakar !!!! Ce sera la seule participation pour Gérard, Hubert, Guillaume et Baudouin, mais Norbert, qui marchait plutôt pas mal, repartira l’année suivante... J’ai eu la chance de pouvoir lecontacter et il m’a donné de plus amples renseignements sur ses courses en rallye-raid (Abidjan-Nice et Dakar) et qui surtout m’a fait passer quelques photos de ses participations.

Là où tout a commencé :

Dans les années 70, Norbert vivait en Afrique, notament à Abidjan. Pour son travail, il avait l’habitude de parcourir plus de 5000km de piste par mois !!! Autant dire que la conduite en Afrique était quelque chose qui ne l’effrayait pas le moins du monde !!! Du coup, en 75, pour le premier Abidjan-Nice de l’époque, fort de cette expérience, Norbert décide de s’inscrire sur la course en moto. Second avantage, il a l’occasion de pouvoir acquérir une Honda 350 XL, non commercialisée à l’époque en France, seulement disponible pour tout à chacun en 250cm3. Sa machine plus puissante que les autres et surtout son pilotage associé à la connaissance du terrain font que Norbert est très rapidement dans le peloton de tête du rallye. Malheureusement, vers Arlit, en pleine spéciale , il est doublé par une voiture qui le percute. C’est la grosse chute avec pour la moto une fourche complètement pliée et pour le pilote une épaule passablement abimée. Malgré tout, Norbert repart, parcourt plus de 100 km sans suspension avant, mais la douleur et la moto quasi inconduisible font qu’il décide de renoncer. Il remonte alors sur la France (ce qui lui vaudra d’être considéré comme "perdu" plus de 48 heures), et apprend par la suite qu’un concurrent moto est décédé lors de ce rallye. Il décide alors qu’il ne reparticipera plus à ce type de course qui, à ses yeux, ne vaut pas ce genre de prix, lui qui vient juste d’être papa.

Des motos inadaptées... :

C’est sans compter sur le Dakar et surtout ses frères qui, un jour de 79, le contactent pour lui proposer de participer à la seconde édition du rallye. Il est le seul à avoir dèjà un peu d’expérience, à piloter correctement (le mot est faible !!!) des motos, et à connaître l’Afrique pour y résider. Il se joint donc à ses 4 autres frères en tentant de préparer ce rallye pour qu’il soit le moins pénible possible pour la "tribu".

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Les motos des frangins alignées au Trocadero le jour du départ.

Ainsi, il propose de choisir une "petite" moto, maniable, facile à conduire pour des néophites et du coup pas trop puissante. Ils optent pour la Kawa 250 qui s’avèrera un choix désastreux (je suis gentil !!!) puisque la moto sera en fait lourde, peu maniable, pas assez puissante et surtout gourmande en carburant. Norbert envisage également une assistance. C’est son patron de l’époque, André Lévy (père du fameux BHL) qui lui octroit un budget pour engager un mecano sur un Toyota qui se chargera de les aider. Cette assistance, non engagée en course, ne sera jamais à la hauteur de sa mission et se fera plus souvent remarquer par son absence que par son aide !!!! Tous ce facteurs cumulés feront que le Dakar des "grenouilles" sera un chemin de croix et une succession de galères.

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Un des rares moments de pleine attaque pour une "grenouille" !

Norbert garde un souvenir très pénible des pistes de sable mou où la moto trop lourde, pas assez puissante n’avance plus...les frangins devront très souvent descendre de leurs machine et la pousser sur des kilomètres en se tenant à côté...exténuant !!!! Les arrivées d’étapes se font toutes de nuit, trop tard pour avoir à manger chez Africatour ou juste pour déguster quelques restes qu’il grignoteront dans leurs carters !!! Et les départs au petit matin sont synonymes de nuits courtes sans repos !!!! Mais les frangins iront jusqu’au bout de leurs forces, de leur résistance pour arriver tous à Dakar. Norbert et Gérard finiront bien avant les autres frères, ensemble, mais tous se retrouveront à la plage de Dakar.

Cette expérience, physiquement difficile, frustrera Norbert en terme de pilotage et de plaisir de conduite., lui qui avait fait des perfs sur l’Abidjan-Nice. C’est pourquoi il décidera de repartir sur le Dakar 81

Merci donc à Norbert, mais aussi Hubert et Guillaume D’Aboville pour leur aide et leurs documents.

Portfolio

Arrivée au Mali...Bientôt la fin du rallye !! Gérard et Norbert sur la plage à Dakar Gérard (au fond), Norbert (premier plan) et Baudoin (à gauche) sur la plage (...) Un des rares moments de pleine attaque pour une "grenouille" (...) De g. à d. : Norbert, Guillaume, Hubert, Baudouin et Gérard Guillaume au départ d'une étape en Algérie Les motos des frangins alignées au Trocadero le jour du départ. Les frangins viennent d'arriver au petit matin à Tombouctou… II (...) Gérard sur la moto entouré de deux de ses frères Norbert juste derrière une Vespa avant le départ... Norbert attend... Dans l'ordre...Gérard, Guillaume et Baudouin Fin d'étape..1 bord de piste ! Hubert et Gérard... Norbert attend le départ... Gérard arrive... Gérard à fond !! Baudouin, n°12 grosse fatigue 1 grosse fatigue 2 grosse fatigue 3 Hubert... Assistance avec le Toy... Prêt à repartir...

P.-S.

Retrouvez des photos de Norbert d’Aboville et d’autres anecdotes sur le forum : Le sujet des d’Aboville

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