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YAM XT 500 n°62 Leconte : Paris-Destination inconnue

mardi 4 mars 2008

Par Hervé Leconte

Un des plus beau jours de ma vie ! Enfin le voilà, ce départ tant attendu ! Une énorme foule, présente dès 6 heures du matin, entoure ces monstres bariolés de toutes sortes de publicités, prêts à affronter le désert et l’Afrique Noire. Les familles, les amis, les copains et quelques membres de l’Amicale encore échauffés par une nuit mouvementée sont là pour les dernières recommandations et pour les derniers "merde".


(j’ai écris l’article ci-dessous en Mars 1982)

N’ayant eu mon acceptation que deux mois avant, la préparation complète de la moto et l’accomplissement des formalités administratives ressortaient déjà de l’impossible pour un profane des rallyes comme moi.

TROCADERO-1er janvier

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Bientôt le départ...

Un des plus beau jours de ma vie ! Enfin le voilà, ce départ tant attendu ! Une énorme foule, présente dès 6 heures du matin, entoure ces monstres bariolés de toutes sortes de publicités, prêts à affronter le désert et l’Afrique Noire. Les familles, les amis, les copains et quelques membres de l’Amicale encore échauffés par une nuit mouvementée sont là pour les dernières recommandations et pour les derniers "merde".

5,4,3,2,1, ....c’est parti ! Mon cœur va plus vite que mon compte-tours. Mon duvet et un petit sac de pièces détachées sont les seules choses que j’emmène. Seul et sans la moindre assistance, ce rallye est pour moi une course vers un univers totalement inconnu. (Je n’avais jamais roulé dans le sable !).

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première spéciale en France

Sur le parcours Paris-Sète, nous accomplissons deux spéciales sur terrain militaire de cross, Orléans et Nîmes, histoire de montrer les machines en action au public français. Sur le bateau Sète-Alger nous avons déjà les classements ; je suis 93ème sur 113 motos. J’ai pris vingt minutes de pénalité car je ne me suis pas réveillé à l’heure prévue pour le départ à Nîmes... Ça commence bien ! Les Algériens nous réservent un accueil fantastique mais dorénavant, nous n’aurons plus le temps d’apprécier la gentillesse des habitants.

ALGER-MOUDJBARA (314km) 4 janvier.

Nous faisons cette étape de liaison dans les montagnes glaciales pour connaître notre premier bivouac. Pour ma part, je dormirai tout le long du rallye à la belle étoile.

MOUDJBARA-4 CHEMINS (976 km) 5 janvier.

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Pour l’instant, tout va encore bien...

Merde ! Les concurrents sont déjà au départ, et pan ! Encore vingt minutes de pénalité. La première chose à emporter, c’était un réveil !!! Je range en hâte mon duvet encore recouvert de givre et je monte sur mon engin pour prendre mon premier contact avec le désert et ses nombreux pièges. Aie ! Aie ! Dur, dur, je suis en sueur et j’avance tant bien que mal (plutôt mal) alors que les professionnels partis de trente secondes en trente secondes derrière moi passent à plus de 140km à l’heure ! Parcourir presque mille bornes dans le sable, les trous, la tôle ondulée sous un soleil brûlant relève du délire. Surtout que je n’avais qu’un litre d’eau, une poignée de dattes et de cacahuètes, accompagnées par un pot de compote de pommes. Cette journée a été très pénible pour moi, mais j’ai quand même pu rejoindre l’arrivée avant la nuit. Nullement besoin de berceuse ce soir-là : bonsoir et à demain !

4 CHEMINS -TIT (707 km) 6 janvier

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"il m’a raconté que sa moto avait brûlé"...

Il faut rouler vite en prenant des risques avant le camion d’essence car il faut faire la queue et attendre au moins un quart d’heure. J’ai vu un gars de cinquante-deux ans s’éclater juste avant le ravitaillement ; il s’est ouvert le nez et il a continué avec sa fourche pliée. Je l’ai revu le soir-même en train de pleurer et il m’a raconté que sa moto avait brûlé à la suite d’une chute à trois cents mètre de l’arrivée... j’ai vu un autre gars non seulement à coté de sa moto qui flambait mais aussi à coté de ses pompes. Le pauvre venait de prendre de l’essence mais n’avait pas essuyé son réservoir ; vous devinez facilement la suite. Il était tellement sonné qu’il n’a pas eu la force d’éteindre son brasier. A l’arrivée de cette étape, la Ducati prototype a cassé net sa fourche. Après ce contrôle, il nous restait quarante kilomètres de Transsaharienne goudronnée mais très dangereuse. Des algériens nous apprennent que trois journalistes italiens qui rejoignaient le rallye par cette route venaient juste de trouver la mort.

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La Ducati de Baldet meurtrie !!!!

J’ai beaucoup apprécié cette fin d’étape car il était très tôt et j’ai pu pointer à l’arrivée à 16h30, ce qui m’a permis de discuter avec les autres concurrents qui réparaient leurs véhicules estropiés. Il me faut avouer que je n’ai eu aucun ennui mécanique. Je nettoie simplement mon filtre à air, un point c’est tout. Ce soir là, les Algériens sont d’une très grande gentillesse et hospitalité. Il nous offrent le thé à la menthe et des oranges à volonté. Nous avons droit à la fameuse danse des hommes bleus autour du feu. Les Touaregs ont dansé toute la nuit en notre honneur, en tirant régulièrement des coups de fusils ! Sympa, mais imaginez notre sommeil réparateur !

TIT-TIMEAIAOUINE (540Km) 7 janvier

Maintenant que je m’habitue au sable et aux pièges du Sahara, je prends un plaisir immense à rouler à 110 ou 130 km/h à travers les pistes défoncées. J’éprouve mille bonnes et mauvaises sensations quand je roule sur ce terrain aride à la boussole, que j’admire les chaînes de montagnes et les immenses dunes de sable alors qu’il faut les traverser et maintenir ma moto dans les ornières et garder une vitesse constante...

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Ravitaillement essence...

Le soir au bivouac, les visages se décrispent un peu de l’angoisse vécue durant la journée. Pour beaucoup de concurrents, la nuit ne sera pas faite pour dormir mais pour bricoler. Certains, comme les frères Marreau, n’hésitent pas à ouvrir le moteur et la boite de vitesse sous la lueur d’une torche. Ceci faisant l’objet d’une subtile plaisanterie : "Allez danser chez les frères Marreau, leur boite est ouverte toute la nuit". Dans ce rallye, beaucoup de gens retrouvent leur moral au fond de leur gamelle et Africatours se charge à merveille de nourrir cette horde sauvage de six cents personnes.

TIMEAIAOUINE-GAO (740 km) 8 janvier

Autant de kilomètres tous les jours, c’est du délire, mais c’est tellement fantastique ! Cette étape va être dure mais demain est la journée de repos. On veut aller très vite car on remettra les machines à neuf. Cela sera très difficile. Croyez moi, ces monstres du désert ne ressemblent plus d’un poil aux coquettes voitures et motos exposées au Trocadéro... En voulant aider un motard, j’ai perdu plus d’une heure ; je lui ai donné une chambre à air, mais j’ai rangé trop en hâte mes affaires. Dix kilomètres plus loin, mon pull over s’est pris dans ma chaîne. Horreur quand je vois tous les pros me passer une demi-heure après ; j’étais dans les dix premiers sans le savoir.... A cause de cet arrêt forcé, je dois rejoindre l’arrivée de nuit pendant cinquante kilomètres. Le Sahara en pleine nuit noire en moto, cela fait vibrer ! Malades du cœur et des nerfs s’abstenir.... Pour les motos, la nuit, on double son temps de parcours car avec un phare de 6 volts et la lumière qui diffuse à travers le sable soulèvé à chaque passage de voiture, on comprends aisément qu’il faut être fou pour rouler à plus de 100km/h. Et pourtant ! j’ai essayé pendant dix kilomètres environ. Croyez moi, j’ai vite raccroché mes 60 km/h, car mon cœur n’a pas tenu. A 11 heures du soir, je rallie l’étape et, ô surprise, dans les trente premiers ! Je plains les retardataires, toute la nuit, j’en verrai arriver.

GAO-journee de repos, 9 janvier

Nous avons tous apprécié cette journée, à vous de deviner pourquoi...

GAO-TOMBOUCTOU (412 km) 10 janvier

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Merel doit sa 3ème place (en partie) à Hervé !!!

Pour moi, cela s’est passé sans problème et le plus beau dans cette étape, c’est que moi, le pauvre petit gars du rallye sans assistance et sans recours en cas de pépin, je me suis permis de dépanner Michel Merel, pilote officiel Yamaha et possible vainqueur ! Il a en plus comme assistance trois Mercédes 4x4, deux camions lourds et un avion bimoteur d’assistance ! Il était en panne d’essence !!! Dans cette étape, j’ai aussi vu un Toyota 4x4 faire six tonneaux !!! Les deux gars sont ressortis du véhicule absolument intacts, grâce à leurs ceintures de sécurité, leur casque et surtout grâce à l’arceau de sécurité. Il ne faut jamais oublier qu’on ne rigole pas dans ce rallye, et l’Afrique est là pour nous le rappeler !!!!

TOMBOUCTOU-NIONO (570 km) 11 janvier

Cette étape allait être décisive et cruelle pour moi. Trente kilomètres après le départ, en rentrant dans un village se nommant Goundam, je fais la chute du siècle. J’ai appris ce qui c’était passé par les médecins car je suis reste six heures dans le coma avec un traumatisme crânien, une vertèbre cervicale déplacée et un choc au globe vésical. Rien que ça ! Entrant dans ce village, les habitants m’ont fait de grands signes pour me prévenir que je prenais la mauvaise direction. J’ai braqué trop sec et trop vite et pan, la chute ! J’ai été rapatrié sur S.O.S dans la capitale Bamako et direct sur Paris. Avis aux amateurs du prochain rallye ! J’étais trente-septième au classement général.....

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Michel Vaillant...modifié !

Voilà ! c’est la fin de l’article je j’avais donc écris en 82.

Un an plus tard quand j’ai rencontré Hubert Auriol, il m’a dit qu’avant de tomber dans le coma, juste après ma chute, j’avais demandé "ou est la Porte d’Orléans ?"....ce qui est devenu un classique du Rallye. Voir le Michel Vaillant - Paris-Dakar - page 35. PS : L’éditeur a fait une erreur, j’avais le numéro 62 !!!

Portfolio

Ravitaillement essence... Michel Vaillant...modifié ! Bientôt le départ... Pour l'instant, tout va encore bien... première spéciale en France La Ducati de Baldet meurtrie !!!! "il m'a raconté que sa moto avait brûlé"... Au parc fermé... Leconte...n°62 !!! Merel doit sa 3ème place (en partie) à Hervé !!!

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