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Le Range Granja, le canari écolo

jeudi 21 septembre 2006, par Sébastien

Le Range Granja est engagé sur ce Paris Dakar 1980, mais attention, eux boiront les bières fraiches dans le désert enfin en théorie. Autre particularité, ils sont 3 à bord. Revivez cette épopée grâce au récit de José Lourseau et aux photos de J.P Lefèvre.

CHAPITRE 4

Où en étions nous resté ? Sur la piste de Mopti je crois. Nicolas Hulot avait fait ses tonneaux quotidiens, nous avions connu des problèmes de radiateur et malgré cela, nous sommes arrivés à destination. Yves Sunhill et son étrange buggy 2 roues motrices SEIKO est là lui aussi. Il a mangé beaucoup de poussière. Le lendemain départ vers Niono. Les pistes sont sahéliennes. Autrement dit très sablonneuses, parsemées d’ornières parfois remplies de sable ou pire encore de fech-fech. Le fech fech : la poussière de sable, de la farine rien d’autre. Une farine qui glisse entre les doigts, alors entre les roues vous imaginez. Aucune portance. Pour franchir ces cuvettes de fech-fech ? Qu’une seule solution : l’attaque, la vitesse. Ne jamais ralentir, prendre de l’élan si on a le temps de distinguer la zone piégeuse (le sable est d’une couleur sensiblement différente dans ces zones, il est plus clair) éventuellement il est préférable de « tomber un rapport » et tout à l’accélération. Rien de très particulier à signaler. Nous faisons notre petit bonhomme de chemin. Nous nous étonnons de ne pas rattraper les Vespas. Certaines mauvaises langues diront qu’elles ont plus fait le voyage dans les camions que sur la piste …. Qui sait ? Arrivée à Niono, il me semble que le bivouac était au cœur de la ville. Une ville très accueillante, plutôt verte. Les voitures étaient rangées sous les arbres. Nous étions arrivés, je crois, assez tôt dans l’après midi. A nos côtés Jean Claude Avoyne mécanique ferme. La boite de vitesses de sa traction avant a souffert. Je crois qu’il rejoindra Bamako puis prendra le train vers Dakar (à vérifier) Nos compères du Toyota Farragui, le couple Clatot et leur Pinzgauer son aussi de la partie. Les frères Marreau s’agitent, ils entretiennent, réparent leur magnifique 4L. Ils se disputent parfois comme deux gamins, comme deux vrais frangins. Ils feront toujours preuve de gentillesse. Un africain dans un magnifique boubou s’approche de nous et entame la conversation. Il est très amène et se préoccupe des conditions dans lesquels se déroule notre périple. Après de longs échanges sympathiques, il nous apprend qu’il est le pharmacien du village et nous propose de nous offrir le repas du soir en l’occurrence des pigeons aux petits pois. La mémoire a des secrets. Pourquoi me souviens-je encore de ce détail ? Farragui s’engage à fournir le vin. Le soir venu nous eûmes la surprise de voir arriver non pas notre ami le pharmacien mais sa famille tout entière. Deux femmes et quatre filles. Deux d’entre elles, avaient entre 16 et 20 ans et honoraient la légende qui dit que les plus belles femmes du Monde étaient les Peulhs. Je confirme. Imaginez le trouble semé par ces déesses timides dans les rangs de mâles en « manque de tendresse ». Les donzelles portaient de grandes bassines en émail sur la tête qu’elles posèrent devant notre voiture. Le repas fût succulent. Le vin aidant, nous nous livrions à quelques confidences, allant même jusqu’à nous prononcer sur la beauté des filles du pharmacien. Attentif, ce dernier me prit à part à la fin du repas. Qu’elle ne fût pas ma surprise de l’entendre me proposer le deal suivant : si tu veux tu épouses une de mes filles à condition que tu l’emmènes avec toi. Je crus ne pas avoir bien compris. Il reformula sa proposition. Si tu épouses une de mes filles, elle pourra venir avec toi à Paris, elle sera heureuse là bas et pourra ainsi faire ses études. Je souris et lui expliquais avec le plus de diplomatie possible que ses filles étaient vraiment magnifiques, que je le remerciais de sa confiance mais que j’avais déjà une épouse. Cela visiblement ne posait pas de problème. Lui avait deux épouses et cela se passait très bien. Après bien des palabres mais aussi je dois l’avouer bien des regrets, je dus me résoudre à refuser ce troublant projet. Cette anecdote me fait sourire aujourd’hui, mais jaune car elle symbolise une détresse que j’ai retrouvé encore plus exacerbée récemment en Guinée Conakry et en Sierra Léone. La course continuait. D’autres aventures nous attendaient. La nuit fut … Lourde. Chaleur, fatigue et vin tiède mais bon de chez Farragui nous aidèrent à nous endormir. Comme vous l’avez remarqué, je ne parle pas souvent de mécanique. En effet, nous n’avions pas connu de problèmes jusque là…Attendez, cela va venir. L’entretien courant était fait. Contrôle des niveaux, des pressions et surtout, nettoyage systématique du filtre à air et à essence. Nous avions sympathisé avec un équipage très agréable qui assurait l’assistance de René Metge et de son camion Leyland : Jean Jacques Bordier et Dominique Lemoyne. Jean Jacques, originaire de Carcassonne toujours prêt à rendre servir, « mécanicien Géo Trouvetout » et Dominique Lemoyne, calme, discret. Il sera un extraordinaire navigateur et sera associé à la victoire de René Metge en 84 et 86. Hélas, Dominique disparaîtra des suites d’une « longue maladie ». Notre ami Bordier, aura pour projet de partir avec un vieux camion Renault. Je ne sais pas si son rêve aura abouti. J’ai le souvenir que nous étions passé, lors de cette étape, à Ségou. Une ville traversée de canaux, de petits ponts, verdoyante et parsemée de zones maraîchères. Il me revient aussi à l’esprit qu’un accident avait endeuillé cette étape Une petite fille avait été percutée par un camion. La foule était très dense et elle avait échappé à la vigilance de ses parents. La réglementation actuelle impose une limitation de vitesse de traversée des villages. Ce n’était pas le cas à l’époque. Malgré les recommandations quotidiennes de Thierry Sabine, certains, excités par la foule, se crurent sur un circuit en ville…Hélas ! Ce souvenir me conduit à m’arrêter sur un sentiment qui m’a toujours habité depuis ma première participation. Même si l’objet de ce modeste récit n’est pas de philosopher, et sans aucune démagogie, je suis convaincu que nous ne pouvons participer à cette épreuve sans avoir mauvaise conscience. Les réponses, mille fois entendues, ne sont, à mon avis, que des faux fuyants. Certes, l’épreuve apporte à l’économie locale des ressources qui n’existeraient pas. Mais n’oublions pas que les droits de passage versés n’atterrissent pas, hélas, dans les poches des plus défavorisés. Les contrées traversées, si elles sont parmi les plus belles et les plus sauvages, elles sont aussi les plus pauvres. Les organisateurs, pour satisfaire les concurrents choisissent des pistes pas ou peu fréquentées. Cela signifie aussi que les villages rencontrés sont les plus difficiles d’accès et donc les plus livrés à eux même. La caravane du rallye, passe, souvent hautaine, devant un monde discret de pauvreté. Il faut, au moment de s’engager dans cette épreuve, avoir cela à l’esprit, lorsque les fastes de la fête du départ sont projetés au grand public. C’est pour cela que j’affirme qu’il faut un soupçon de mauvaise conscience pour participer au Dakar et beaucoup de lucidité. Revenons à notre épopée. Départ pour Tombouctou. Imaginez ce que peut ressentir un pilote qui découvre au départ d’une spéciale qu’il arrivera en fin de journée, si tout va bien, à Tombouctou ! Tombouctou, ce n’est pas un nom, c’est un mirage ! Un rêve ! Dans les expressions courantes, Pétaouchnoc ou Tombouctou, c’est du pareil au même. Alors tenter de rejoindre Tombouctou fût pour nous un moment fort de l’épreuve. Tout c’est à peu près bien passé. J’ai le souvenir de quelques ronds dans la vase au bord du fleuve Niger dû à quelques petites interprétations du road book. Ce dernier avait été rédigé alors que le Niger était plus bas. Alors forcément, lorsque quelques semaines après le fleuve a cru de quelques mètres on a cru se perdre ! L’arrivée à Tombouctou fût moins fastueuse que nous l’avions imaginé. Notre préoccupation principale était de faire le plein. Nous avons trouvé la pompe en même temps que …une trentaine de concurrent. L’expression « avoir un coup de pompe » vient probablement de là. Patience africaine oblige, on papote, on grignote, on somnole et on rigole….. Demain soir, l’étape de repos à Gao. Ca c’est un vrai repère ! L’étape de repos va nous faire du bien. Non que nous ayons connu de graves problèmes mais nous sommes un peu fatigués. Ce qu’on peut faire, si vous en êtes d’accord, donnons nous rendez vous demain soir au bar de l’hôtel Atlantide pour un nouvel épisode baptisé : Après demain on passe le bac !

Portfolio

Le Range au controle technique l'une des multiples crevaisons... Avant le départ d'une spéciale Antoine et le Range Réveil difficile... En plein désert... Doublé par les D'Aboville... Bivouac... La plage promise... Repos... Faut y aller... Avant le départ... Attaque au prologue... Trocadero...de dos

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