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Le Range Granja, le canari écolo

jeudi 21 septembre 2006, par Sébastien

Le Range Granja est engagé sur ce Paris Dakar 1980, mais attention, eux boiront les bières fraiches dans le désert enfin en théorie. Autre particularité, ils sont 3 à bord. Revivez cette épopée grâce au récit de José Lourseau et aux photos de J.P Lefèvre.

CHAPITRE 3

Une piste large, très large. Des traces partout, dans tous les sens. C’est bizarre comme la boussole devient un objet magnifique, voire attachant. Les premiers doutes s’installent. Antoine, t’es sûr que c’est par là. Antoine, regarde, eux ils vont par là ! On ne peut pas dire que nous ayons une grande habitude du désert… Evidemment, c’est la première fois qu’on y pose les roues. Les plus grandes étendues de sable que j’avais eu l’occasion de rencontrer c’était quelque part du côté d’Ermenonville … Alors ! Une étendue magnifique de sable clair. A notre droite une falaise noire. Des paysages surprenants. Les premiers d’une longue série. C’est une remarque qui mérite quelques commentaires. Aujourd’hui, le dépaysement, les décors majestueux, sont présentés à la télévision. Les futurs concurrents sont déjà préparés à ce qu’ils vont rencontrer : Les gigantesques dunes du Ténéré ou de la mer de sable dans le sud de la Libye et de l’Egypte. Les fameux rochers des éléphants au sud est de Tichit. Les pistes sahéliennes du Mali …. Il n’en était pas du tout de même pour nous. Chaque kilomètre parcouru était à la fois une victoire mais aussi une découverte. Finalement, assez peu de concurrents font référence à la beauté des sites parcourus. Est-ce parce que le plus souvent ce sont les pilotes d’usine qui s’expriment et que leur priorité est la vitesse, la gagne ? Quoi qu’il en soit, je peux vous affirmer que vu du sol, le paysage, s’il reste magnifique, n’en est pas moins sacrément difficile. Vu d’en haut… Tout est plus beau !

La piste est balisée par des bidons. De mémoire un tous les deux ou cinq kilomètres. T’en veux du bidon ? On se met à les aimer ces bidons ! Heureux de les voir apparaître au loin, régulièrement. Autre nouveauté ! Antoine m’annonce : « épave » Fait il référence aux états dans lesquels j’ai eu l’occasion de me mettre avec mon complice Jean Pierre ? Pas du tout ! Qu’il est beau se Combi Volkswagen, nickel, sablé à la perfection. Plus un accessoire sur le véhicule. Mais plus rien de rien. Nos amis africains ont fait de la récupération. Finalement, n’est ce pas là l’illustration la plus parlante du recyclage ? J’imagine les rêves engloutis dans cette carcasse. Elle a dû abriter tant d’éclats de rire, d’envie d’ailleurs, d’autres choses. L’odyssée s’est arrêtée trop vite pour ceux là. Souhaitons que tout se soit bien terminé. Tiens, c’est curieux un à-coup. J’ai dû rêver. Hélas non. Un nouveau, puis deux puis ….Plus rien ! La panne ! On se regarde. On esquisse une grimace. Nous v’là bien ! Antoine, certainement le plus féru en mécanique d’entre nous, nous fait part de son diagnostic … Panne d’essence !

Impossible, nous avons fait le plein des deux réservoirs. Alors, c’est le filtre à essence !

Le capot est ouvert ! Et que je te souffle dans le filtre.. Nous le remettons en place. Coup de démarreur ! Le joli bruit du V8 retentit. J’adore ce bruit ! On remonte dans la voiture après avoir « jeté » Jean Pierre derrière. .. Notre héros ! Et ….. Plus rien ! Cela recommence. Le moteur s’étouffe. Un bruit au loin. Un Toyota approche. L’équipage nous demande s’il peut nous aider. Un beau geste qu’on aimerait voir plus souvent ….De nos jours. « Nous allons nous débrouiller, merci ! » Antoine fait le tour du véhicule. Il ouvre le bouchon du réservoir principal. Plutôt, il tente d’ouvrir le bouchon. Il force et d’un seul coup un grand appel d’air. BINGO ! La panne est trouvée. La mise à l’air libre s’était bouchée et le réservoir était en dépression. Le trou est débouché et tout le monde en voiture. C’est reparti pour un tour ! L’humeur est au beau fixe de nouveau. Des kilomètres de sable à perte de vue. Nous découvrons également une sensation bizarre. En effet, lorsque le soleil est au zénith, pas une ombre portée, pas de relief. Les cuvettes de sable ne se distinguent pas, les petites bosses non plus. Il y a donc des heures ou la conduite est plus dangereuse. Autre sensation, la perte totale de repères. Au milieu du Tanezrouft, notre regard ne peut plus rien accrocher. La notion d’échelle disparaît dès que l’on regarde au loin. Curieux sentiment, ressenti pour la première et quasiment seule fois d’ailleurs. Les traversées des autres déserts qui m’attendent (et vous attendent) ne me laisseront pas du tout les mêmes souvenirs. Les dunes cathédrales de Libye, celles, ondulantes du Ténéré, les ergs difficiles de Mauritanie créent des décors, nous installent dans des espaces définis… Le Tanezrouft, non ! Le Trip Master égrène, à rebours, les kilomètres. Nous aurons, plus tard, l’occasion, de le maudire. Imaginez la situation ! Le road book indique que l’étape, jusqu’à l’arrivée de la spéciale, fait 800 kilomètres (par exemple). Certaines étapes à venir seront bien plus longues que cela… A cette époque. C’est un peu comme si l’on décidait de rallier Toulouse à Paris par les chemins de terre, en une journée. Comme il existe des « prix psychologiques » en marketing, il existe une distance psychologique au Dakar. C’est la mi parcours. Dès lors que s’affiche la distance partageant l’épreuve en deux, nous basculons vers l’arrivée. Et là, deux alternatives : Ou l’on feuillette le road book jusqu’au bout pour vérifier les difficultés qui nous attendent, ou on se laisse porter par les évènements. Souvent, nous choisirons la seconde solution. Dès lors, les yeux rivés sur le compteur qui n’en finit pas d’égrainer ses chiffres, nous trouvons le temps très long. La barre des cent derniers kilomètres est magique. Ces réactions changent selon le profil de la spéciale et selon l’heure de la journée. La hantise, arriver de nuit. Le road book est élaboré de jour par les pisteurs. Dès que la nuit est tombée, finis les repères évidents (falaises au loin à droite, épaves, cairn* …) * Stop, un cairn. Mais qu’est ce que c’est que ce truc bizarre ? C’est un monticule de pierres, dont la hauteur est comprise, selon son éloignement de la piste, entre 1 m et 1,50 m. Il a été mis en place par les nomades ou les missions militaires qui balisent ainsi les pistes. Donc, la nuit, advienne que pourra.

Phénomène étonnant, lorsque que la grosse fatigue vous envahit, vous êtes atteint d’hallucinations. Très étonnant …. 2000 (nous y reviendrons sûrement) notre Toyota nous a joué quelques tours. Nous roulons dans le désert du sud de la Libye. Devant nous, au loin, un concurrent qui soulève de la poussière. Dans le faisceau de nos phares, trop peu puissants d’ailleurs, un écran qui selon la distance qui nous sépare de la voiture se diffuse ou se densifie. Après près de 50 kilomètres dans le brouillard nous avions l’impression de rouler dans une …Forêt. Des arbres immenses balisaient la piste et des silhouettes fantasmagoriques qui voulaient traverser. Parfois, un carrefour imaginaire nous faisait lever le pied. Très surprenant que cette sensation partagée.

Après de kilomètres de piste dans la nuit, une attente, un espoir, une nouvelle hallucination ? Non ! Nous cherchons un gyrophare orange. C’est le premier signe évident que nous approchons de l’arrivée. On ne le quitte pas des yeux. Encore une terminée ! Souvent, ce n’est pas le cas car, après 800 kilomètres de spéciale, il n’était pas rare que nous devions parcourir plus de cent bornes de liaison. Et, naturellement, à cette époque, nous faisions après, l’entretien du véhicule…. Sacrée journée.

Portfolio

Le Range au controle technique l'une des multiples crevaisons... Avant le départ d'une spéciale Antoine et le Range Réveil difficile... En plein désert... Doublé par les D'Aboville... Bivouac... La plage promise... Repos... Faut y aller... Avant le départ... Attaque au prologue... Trocadero...de dos

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