Une Déesse pour Dakar...

lundi 28 mars 2016, par Jeff

Les aventures de l’équipage n°112 Delles/Biron/Lamy racontées par Claude Delles, l’un des trois membres d’équipage...Les tribulations de la seule DS engagée cette année-là !!!

Bonjour, je me nomme Claude Delles...

Imaginez un 31 octobre 1979, moi 33 ans en pleine maturation… Une compagne Geneviève la magnifique, mère de notre fils de 1 an, enceinte de 2 mois, un chien, une entreprise. Le soir, un ami ,Jean-Pierre, frappe à ma porte, accompagné de Alain Biron son copain, super mécano. Ils m’annoncent qu’ils veulent participer au DAKAR, et qu’ils cherchent un troisième partenaire. Mon envie est grande de les rejoindre dans cette aventure. Mais je réponds que cela ne dépendait pas uniquement de moi. La question était aussi à poser à Geneviève… Chose faite, cette dernière me dit : "vas-y, c’est une chance inouïe, cela sera plus tard ta guerre de 14" !!!! Bien vu.

OK, c’est parti !

On cherche une voiture…. On choisit une DS ! BIRON est un spécialiste Citroën On la trouve 10 jours après…

Je téléphone an service compétition Citroën et j’obtiens un rendez-vous. Un ingénieur nous indique que le problème dans un tel rallye est le poids. I1 nous fournit des sphères de suspensions compétition. ALAIN travaille comme fou dans un petit garage d’Arcueil. Son patron (super) accepte de nous prêter les locaux pendant les nuits et les jours de fermeture. On met la DS sur cales et on désosse la bête : moteur, boîte, intérieur. Il nous faut d’abord un un arceau de sécurité …ça tombe bien, à côté du garage, il y a un atelier de serrurerie avec 6 employés. Nos prenons les cotes pour l’arceau, les serruriers nous le fabriquent gratis, et même nous le posent !! Ils confectionnent également des renforts de caisse, un sabot protecteur sous le moteur, un pare buffle(imposant !!). Merci les gars !

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Je demande à ALAIN et si on enlève les garnitures de portes, le tableau de bord, les fenêtres latérales, la glace arrière ... Il refuse, c’est un puriste de la DS !!! Nous partirons même avec le cendrier et la médaille de St Christophe sur le tableau de bord. Tant pis, on aurait pu alléger un peu plus !

J’apprends que le garage Leyland de René METGE n’est pas loin du nôtre. Je prends rendez-vous. Nous déjeunons avec René le lendemain. II nous donna de précieux conseils. Grand Monsieur, il le confirmera plus lard à GAO au MALI.

Alain démonte entièrement le moteur et la boite de vitesses, ainsi que toute la voiture, il ne reste alors plus que la carcasse. Tout est remis à neuf… On installe un carbu double corps WEBER, un réservoir supplémentaire. On trouve des jantes de SM en fibres, 1,5 kg hyper légères. Nous ajoutons un radiateur de 2cv pour refroidir le liquide de suspension, freinage, direction (même circuit) …il ne faut pas tomber en panne sinon tu n’as plus rien !!!

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La veille de la visite technique, la voiture est prête mais elle n’est pas repeinte. Je téléphone à RTL. Je demande MAX MEYMIER (émission les routiers sont sympas). Il nous passe toutes les 10 minutes une annonce : nous recherchons une cabine de peinture !!!! A minuit et demi, un carrossier nous appelle. Il nous prête son garage et sa cabine. Nous avons la peinture : le bleu compétition Citroën. Nous travaillons toute la nuit .Les visites techniques commencent à 8h30. La DS est à peine sèche !!!!!!

NOUS SOMMES ACCEPTES !!!!

C’est parti !!!

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Nous sommes le 30 décembre 1979, le long des fontaines du Trocadéro :

54 000 000 de Français nous observent et 216 fous se préparent à partir pour le 2ème DAKAR (Plus tard, RENAUD dans une chanson a parlé de 500 connards sur le DAKAR : sympa Séchan, arrête le jaune !!). L’émotion est à son comble !

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A côté de notre DS, une CX avec 2 Sénégalais, les seuls sur le rallye. Superbes les Africains ! Nous discutons, ils nous apprennent que dans leur coffre, ils ne possèdent que des bougies et quelques clefs plates. Ils comptent le long du parcours sur leurs cousins pour les aider

Déjà nous respirons l’Afrique !

Un peu plus bas, on découvre une DS courte, celle de RONCIN et son pote.

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Nous remarquons qu’un nom est masqué sur la voiture. Etonnement ! On leur demande pourquoi ? Son ami nous répond : « Roncin s’est mis en arrêt maladie et il ne veux pas que son patron le decouvre à la télé ou sur un magasine. » Voila l’ambiance du 2ème DAKAR !

De vrais aventuriers et de vrais amateurs. Il sera vidé de sa boîte au retour !!!!!

Trois usines sont en course, Lada avec ses petites Niva, Volkswagen avec ses Iltis, et BMW en moto . VW gagnera. Bientôt le prologue à Olivet....

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Route vers Olivet : nous changeons trois fois de pilote. Histoire de nous acclimater à la Citroën. Biron écoute le moindre bruit de moteur, le moindre grincement de Structure. RAS !

Le camp militaire d’Olivet est embouteillé. Spectateurs, concurrents font la queue pour y pénétrer. C’est un bordel monstre. Nous restons coincés plusieurs dizaines de minutes avant de rejoindre le PC de départ.

Même Sunhill avec son buggy est dans la galère et il en aura une plus grave dans le désert. Nous prenons les premières pénalités de retard. Nous : 45 minutes, Yves : 8 .

Deux kilomètres plus loin, il se plante dans le creux d’une piste à char !

Pour le prologue, il nous fallait choisir qui piloterait. Nous étions bons tous sur asphalte, mais j’étais le seul à avoir piloté en tout terrain, à l’armée avec un Unimog (bel engin du reste ) ; Mais Alain Biron nous demande de piloter, pour goûter aux résultats de son travail de mécano sur la déesse du désert . Nous acquiesçons...

Il prend donc le départ.

Deux kilomètres plus loin, il se plante dans le creux d’une piste à char.

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Nous apprendrons par la suite qu’il faut se méfier d’un attroupement sur la piste : il y a danger ! Lamy et moi poussons le véhicule pour le désembourber ; Nous restons bloqués plusieurs minutes !! Je prends les commandes et j’arrive à sortir de ce piège. Tout le monde saute dans titine et je rejoins en glissades successives le PC d’arrivée. Ouf !!! Nous venons de passer le baptême du Dakariste en herbe. Un peu hébété il nous faut rejoindre Sète. Sur la route la foule est en délire et l’accueil est pharaonique. Elle est belle notre DS (achetée à un ancien toubib, elle avait 120.000 km de couleur noire. Refaite à neuf elle est bleu. Il en tomberait malade le doc !!!)

A Sète, l’embarquement n’est pas immédiat. Le bateau : le Tipaza tarde à se gaver de véhicules. Nous attendons de voir, Alger la Blanche.

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Sur le quai d’embarquement de Sète, abasourdi par la traversée Nord-Sud de la France, j’imaginais les joutes sur le canal, la criée à l’arrivée des bateaux, les copains d’abord de Brassens, que je ne pus rencontrer sur le Dakar. Quand je demande à Biron si on allait réveillonner ? Eh !Nous sommes le premier janvier ! Déjà j’étais hors temps, je n’étais pas encore hors course...Ce sera pour plus tard

La traversée sur le Tipazza : là j’ai un trou...J’ai toujours pensé qu’il y avait eu une tempête avec des vagues de 10 mètres de haut. Mais était-ce cette année là ? Tant pis je raconte. "Pas de réveillon les gars ! Alors Biron, Lamy, si on se payait un gueuleton ?" Unanimité, direction le restaurant sur le gaillard d’avant. Notre entrée dans la salle est intimiste. Deux personnes à table !! Les garçons tanguent avec leur plateau pour nous servir un verre, on ne voit rien venir.

Après l’apéro, une entrée que nous ne finirons jamais...Direction la cabine avec mal de mer et wc refuge !!

L’Afrique...

Au réveil sur le pont : "Alger la blanche"...

Et là le choc, malgré la colonisation, nous arrivions dans une autre culture. Pendant la traversée nous achetâmes trois bouteilles de whisky qui nous servîmes plus tard, Radio Dakar oblige. Le pays est musulman, il boit en cachette. Là je parle des athées !

Pour moi mettre les pieds à Alger, c’était un peu revivre la guerre d’Algérie... Rue nationale Paris 13ème, je me rappelle de Kamel, mon pote, avec qui je jouais à la patinette, au patin à roulette et avec qui je mangeais le couscous le vendredi. De l’hôtel tenu par un marocain marié avec une Bretonne... Ces images figées avant les événements de cette guerre étaient gravées. Elles étaient encore belles avant que la bêtise de l’homme entache ces photos mentales teintées de sépia...

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Ca -y-est, nous quittons l’occident, mais nos vieux réflexes cartésiens remontent en surface. Nous vérifions notre paquetage avant The Aventure.

De mon côté, mon pull marin : OK !

Mon duvet de montagne (+20°c à l’intérieur par -20°c à l’extérieur, très confort la nuit dans le désert -5°c à -10°c) : OK ! La trousse de pharmacie (ma mère est infirmière et je suis devenu l’infirmier de l’équipage filiation oblige) : Alcool 90°, mercurochrome, eau oxygénée, exocectoplix,poudre blanche cicatrisante, bandes, pansements, Nivaquine contre le palu (à prendre 6 jours, arrêt 1 jour, reprendre 6 jours , puis continuer un mois après le rallye) : OK !

Enfin la trousse de survie et le fameux GPS de l’époque, la boussole : OK ! Les cartes IGN : OK !

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Durant la traversée d’Alger j’ai pu observer les stigmates de la présidence de Boumédienne : Nationalisation des hydrocarbures, toutes les sociétés sont Algériennes. Les supérettes alimentaires n’ont que des produits Algériens ; conserves, jus de fruit, viandes ,etc...

Sortie d’Alger. Nous sommes invités par le gouvernement pour une collation dans les locaux de la Sonacotra. J’y rencontre à nouveau Roncin et sa DS verte n°106. Quelques échanges et souhaits de bonnes chance. Enfin ! Après la liaison, la première spéciale Africaine, Djelfa-Mesaad. Elle nous est annoncée comme très cassante, un reg de cailloux énormes !!

Où l’on regrette déjà les jantes en fer qui peuvent se redresser

Pour ceux qui ne connaissent pas ou mal la DS, il y a à gauche du pédalier une petite tige que nous avons rallongée pour mieux s’en servir pendant la conduite. On la monte ou on la descend, elle a trois positions. Le véhicule prends alors trois hauteurs de garde au sol : basse, moyenne, haute. J’allais souvent l’utiliser dans cette spéciale car Biron et Lamy m’ont demandé de piloter dans cette spéciale après mon exploit à Olivet. Faut pas s’y fier les gars. Je remonte deux véhicules sur cette piste étroite lorsque je coince sur le 3ème que malgré mon acharnement je n’arrive pas à dépasser. Et quand je pressens une opportunité, je vautre ma roue avant droite sur une énorme roche. La jante de SM en composite explose. Nous regrettons déjà les jantes en fer qui peuvent se redresser !! Metge et son Leyland n°230 nous dépasse...Tant pis !!!

Bivouac Gardaia : Trois heures de queue pour faire le plein d’essence. On nous vole deux serviettes et mon pull marin. Mais c’est con les gars, c’est un st James et vous êtes musulmans. Pas grave, on ne va pas attendre. On prend une bouteille de whisky enveloppée, direction le camion pompe. On prend le serveur à l’écart et on marchande une livraison très rapide en jerricane contre la bouteille. Ça marche !! On regrette de ne pas avoir acheté plus de bouteilles ! Livraison rapide égale plus de temps pour réparer ou entretenir la voiture...

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BIRON : Merde !!!!Le train avant est bloqué en position haute !!! On cherche la CX n°115 de Giovanini et de Cibien, ingénieurs Citroën, assistance de Costa CX n° 115,rédacteur en chef de l’auto journal. Ils nous indiquent quelques pistes sans plus, cylindres, sphères, conjoncteur-dijoncteur...On démonte on remonte...Le train avant reste bloqué en position haute. Demain on va risquer de casser le berceau avant...il est tard, DODO !! Une heure et demie du matin juste avant le DODO, nous fermons le capot de la DS. Arrive une équipe de journaleux, caméra, perche, spot allumé : Eux : bonjour messieurs on fait un scoop sur les poireaux ! Nous : !!!!! ???? Eux : oh mais vous avez fini ! Nous : pas grave les mecs on ouvre le capot et on feint de réparer Eux : ah non ! on est crevé on veut du vrai Nous : tu veux un scoop ou quoi ! connard ! Une voix : non Delles change de mot !!.... Il n’y avait pas encore Bigard. Oh pardon !Va pour "du gland !"... Nous voyant furieux, ils partent en courant...

Le lendemain matin une angoisse métaphysique nous ronge...Le train avant est toujours bloqué en position haute ! Au petit matin pas dans mon assiette je prends le départ sur une piste très sablonneuse. 10 km et déjà je m’enlise une fois, deux fois, trois fois...Je craque…. Imagine alors Biron et Lamy. Ils descendent de la DS, plaques de désensablages et pelle US à la main. Ils creusent , positionnent les plaques, poussent et récupèrent le matos, entrent dans le véhicule. Et là tu te sens vraiment coupable !

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Alors Biron me dit : "et si je prenais le volant ?" Ok mec ! Il va s’avérer un excellent pilote sur sable. Ca y est, nous sommes trois et je crois que les rôles sont déjà distribués : Biron-sable, Dellès-terrain boueux et brousse, Lamy- liaison L’avantage d’être en nombre impair, c’est la majorité de décision il y a toujours 2 contre 1 ou 1 contre 2 ! A la finale, un ferme sa gueule ou abandonne, mais tu ne peux pas abandonner sinon tout l’équipage est hors couse. D’ailleurs les astronautes sont toujours en nombre impair...

Une voix : Hé Dellès on n’est pas dans l’espace ! Nous sommes dans l’immensité terrestre du désert. Arrête, ressaisis-toi, penses à ton quotidien...Merci la voix ! Effectivement, l’être humain a trois fonctions primaires : Nutrition, Evacuation, Reproduction

1 : la bouffe Merci Thierry, tu as passé un contrat avec Africatour. En 79 les concurrents faisaient leur bouffe eux-mêmes, demande à Metge. En 80 toute la nuit, un camion popote attend les concurrents avec des plats chauds revigorants. et qui n’a pas été amoureux de la petite brune aux cheveux courts, 40 ans environ, qui nous servait en souriant ? Nous n’avions pas d’assiettes alors on empruntait les protèges plastiques des longues portées d’autres concurrents, merci les gars ! La bouffe c’est le moral des troupes. Parles-en à Napoléon ou à Hitler, les deux ont queuté en Russie par faute de ravitaillement !

2 : pipi caca Eh oui mec il faut bien évacuer. Pendant les spéciales tu pisses dans une bouteille, dans les liaisons tu t’arrêtes. Par contre, pour l’hymne à la défécation ou plus commun la grosse commission, pas de WC, des dunes !! Alors, avec ton rouleau de PQ tu marches tu marches...Première dune 5 personnes, deuxième dunes 10 personnes !!! Comment tu peux chier à côté de quelqu ‘un avec un handicap de 2000 ans de christianisme ?

Une voix : "que fait la religion là dedans Delles ?" Moi : oh pardon !

Blocage !!!! Merde j’ai pourtant fait mon armée en Allemagne dans une ancienne caserne SS à Landau où les toilettes étaient ouvertes sans porte !! Je prends la troisième dune. Je m’installe à côté d’une nana...Et nous parlons mécanique.

3 : la baise Pour ça tu n’as pas le temps. 33 ans plein de sève, trop de promiscuité pour la branlette... La voix : "Arrête, Delles, des jeunes femmes peuvent nous lire !!"

Bientôt Régane, merde on crève une fois...Non, ce n’est pas du Belge (réflexion pour nos lecteurs étrangers).... Arrêt ouverture du coffre ! Pas au point les poireaux pour changer une roue.

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Les toubibs de l’extrêmes arrivent. Et dire qu’ils ont galéré sur les pistes avec leur Méhari. Merci les docs, on vous aime !!!

La voix : dites donc Dellès l’utilisation d’un certain vocabulaire dans votre récit c’est pour mieux recréer l’ambiance de ce Dakar ? Moi : oui La voix : il me semble qu’il y ait pas mal de machos dans cette course, vous en faites partie ? Moi : oui

ALORS N’ABOYONS PAS LA CARAVANE PASSE.....

"Lorsque tu commences une étape et que tu parts dans les derniers classés, et bien tu arrives toujours de nuit. Régane ce soir là, est étoilée et très fraîche. Merci mon duvet de montagne ! Crevés, nous courons à la popote d’Africatour retrouver la petite brune...Sourires, repas chauds : Un 5 étoiles Saharien, ce bivouac !!!

Vite la lampe frontale ouverture du capot...Vérification de la mécanique des niveaux, changement des filtres...

Le désert du Tanezrouft !

Retour à la popote pour un café et là RADIO DAKAR, certains qui pestent après Sabine, des qui sont contents, des qui renoncent et se séparent, des cons parfois....

"Eh ! les gars demain c’est l’enfer ! Ah oui pourquoi ? Le désert du Tanezrouft ! Du sable ! Du mou ! De la pèle ! Des plaques !"

Les rumeurs vont bon train et pourtant, tu t’en imprègnes toi le poireau...Deux heures du mat, extinction des feux, réveil 6 heures. Biron le mécano est très énervé : "On démonte tout le système de suspension Avant de partir !!!!! Nous !!!!!????? Tu crois que l’on va casser Alain ? Oui ! Oui ! Oui !Et je veux voir Dakar !!"

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Bien mec !C’est toi la clef de 13...Lamy et moi allons voir la direction de course. On leur dit, on veut réparer avant de partir. Pas grave les gars, vous venez au PC de départ, vous partez comme tous concurrents, vous roulez 50 mètres, vous tournez à droite et vous contournez la zone de départ. Après, à vous de jouer, on vous attend ce soir...Bonne chance !

On court à la rencontre des mécanos d’assistance de la CX de Costa : "Bon les ingénieurs c’est quoi notre panne ?"

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Ils nous répondent on ne sait pas ! Démontez tout, changez le liquide de suspension et purgez ! On s’exécute.

Plantés 3 heures à Régane il n’y a plus personne sur le PC de départ, pas un véhicule du rallye !

Le DESERT... Nous sommes seuls... Quelques Africains nous regardent, comprennent à peine notre combat.

Contact. La DS affaissée à l’arrêt se lève. Le train avant se lève encore plus... Toujours bloqué en position haute. Merde ! Merde ! Merde ! Cool ! Cool ! Cool ! On a perdu 3 heures, on va se payer le Tanezrouft de nuit. Super non ? T’as pas mieux comme nouvelle ? Si ! La volonté, le courage...C’est partit pour la plus grande galère de notre DAKAR !!

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Lorsque tu quittes un bivouac le dernier, il te reste en mémoire une vision apocalyptique du lieu :désolation, poubelles, pièces détachées usagées, amortisseurs éclatés ; comme si un être de sable se décharnait et laisse apparaître de temps à autre un bout de son squelette de fer. Nous sommes vraiment des cons, nous les occidentaux. Pourquoi cette arrogance grégaire de notre toute puissance ? Peut-être parce que ceux qui sont dans ce rallye sont des loups et que les autres que l’on n’appellera pas des moutons sont restés à la maison ? Je ne sais pas encore Oh ! Nature humaine ne chante pas trop fort... Le désert t’attend, et lui il a tout son temps...

Biron aux manettes à sa droite Lamy road- book en main, moi, derrière, carte IGN et boussole sur les genoux...C’est parti !!!!!

Des creux, des bosses, du sable, des cailloux... Attention ! A droite une pierre…. A gauche un ravier ! Fais gaffe ! Devant sable mou... Plouf ! Enlisement…. Et ce, une quinzaine de fois !!!

Cogitum de groupe... Bon on prend notre élan sur les plaques de sable les plus foncées. Ce sont les moins molles et on passe les plaques les plus claires. OK, Biron ? YES, Hurrygo ! Droite, gauche, élan, droite, gauche..Ca marche !!! Comme nous sommes seuls et les derniers, on suit les traces les plus nombreuses. Attention aux traces seules elles indiquent souvent une erreur de navigation !

MAIS…………..la nuit va tomber.

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Dans un virage…. :"He, regardes c’est Roncin"

On stoppe. Bon les gars c’est quoi ?

"Un goujon de culasse et un joint détérioré Vous voulez un joint, on en a un ! Non merci nous aussi on avait prévu. Salut les gars à ce soir au bivouac !

Non au petit jour, en fait ! Je passe devant à côté de Biron, je branche le spot à main. La nuit est noire de chez noire. Fini le repaire des couleurs du sable !! Ca va être la galère....Et ce fut LA galère !!!!

Enlisement, désenlisement, etc …. Trois heures du matin, une immense mer de sable sur laquelle repose inerte une trentaine de véhicules dormants !! Faut que l’on passe, on en passe un Faut que l’on passe, on en passe 10 !

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Trop tard, un trou énorme et la DS se cabre et vient s’enliser jusqu’au plancher On sort l’airbag : un énorme coussin résistant, muni d’un tuyau que tu branches sur le pot d’échappement. Accélération. Le coussin ne se gonfle pas Il est troué !!! On a du le percer dans la première spéciale Algérienne, lorsque l’on a éclaté la jante. Plantés les mecs !!!

Il nous faut attendre les premières lueurs du jour et on n’a toujours pas mangé ! pas grave... "Eh ! Regarde à 100 mètres..Le camion Mammouth de Georges Groine" Biron : "j’y vais !!!"

Un quart d’heure après il revient avec victuailles et boissons !! Merci JOJO. On t’a réveillé et tu n’as pas bronché, comme à ton habitude. Il y a quelques mecs sympas sur le Dakar, tu en fais parti. Merci à TOI !!

Le soleil pointe à l’horizon, sur 500 mètres des véhicules partout. De Léotard et sa 6 roues n°210, Pescarolo n°196 le grand pilote du Mans, Turcat n°132 le pilote d’essai du Concorde, Briavoine n°128 le rallyman joyeux, les frères d’Aboville la rame de l’atlantique...Tout le monde s’ébranle il faut regagner au plus vite Bordj-Moktar. Lamy calcule. On va être hors délai, donc hors course, on aura plus de 15 heures de retard sur le premier. Et putain à cause de cette suspension !!! Mais non à cause de vous …..les poireaux !!!

Bordj-Moktar. Thierry Sabine est inquiet : 30 équipages sont hors délai. Alors il fait une entorse au règlement...De 15 heures de retard il reporte à 20 heures. Il veut que son rallye ait un sens. On arrive enfin !

Thierry :- "Faites le plein et partez de suite, vous êtes encore classés !"

Il est chouette DIEU le père. On va peut-être voir DAKAR ! Vivement ce soir à Gao ! Bordj- Moktar/Gao fut bun régal de pilotage pour Biron : sable sur sable, glissades, travers, mélodie du désert... "Biron, on n’est pas sur la glace, ne fais pas un salto avant !! Yes ! Man !"

Herbes à chameaux, de la végétation, ça sentles faubourgs de GAO.Le Niger !!! Le Niger !!!

On est arrivé !! Ouah, mdr !!!Non crevé !

Oh ! Toi ! GAO, la fière, l’impétueuse

Oh ! Toi ! GAO et ton Niger : ton fleuve nourricier Ce lieu d’échange et de commerce Oh ! Toi ! GAO, La grande oasis de paix Oh ! Toi ! GAO, La porte de l’Afrique, dans ta boucle Mopti, Niomo, Tombouctou du sable Mais après, la latérite : ce sable rouge Qui s’incruste dans tes poumons et qui Te rappelle que ton béton n’est pas mieux Oh ! Toi ! GAO, notre repos Vite la popote, vite le duvet

Nous sommes encore classés, et nous attendons dans la nuit la n°106 Roncin et la n°115 assistance Citroën...On ne verra plus la DS verte, la CX arrivera très tard dans la nuit. Costa est très inquiet.

Demain est un autre jour !!!!! Un levé de soleil en Afrique est toujours un évènement. D’abord, un cercle rouge qui tire très vite sur le jaune. Des nuages ambiants, des couleurs sans palette : comme un art du beau. Le temps d’un rêve, nous chauffons le café soluble avec un camping gaz, casserole en alu, pas très poétique nos accessoires !! Debout, les mecs !!! Le Niger est à 100 mètres ! A poil on court, on se lave..

Lamy : -"T’as vu ton slip ? Il est jaune devant marron derrière !! Apres une semaine, c’est normal, non ? Oh ! Regardes à 500 mètres : Un nuage de mouches Moi :-Je vais voir !" C’était l’abattoir ! Je ne mange plus de zébu en Afrique. Je choisirai un poulet vivant !!

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Midi, une grande panique sur le seul Hôtel Restaurant de GAO "L’ ATLANTIDE".

Plus de places, les serveurs sont dans le jus. Costa et son assistance, les VIP de l’époque trouvent une place, on se glisse avec eux. On a à parler avec les mecs de Citroën. Il faut qu’ils accouchent !!

Mais Cibien et Giovanini prennent les devants :
- He, vous avez un bidon de liquide de suspension
- oui il nous en reste 2, on vous en donne 1 (N’oubliez pas que Costa à Bordj-Moktar était 2ème et à Gao 18ème).

Bon, chose sérieuse, les mécanos de chez Citron
- Vous avez pensé à notre DS 112 ??

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Cibien : "je crois que votre problème est dans le montant de votre portière gauche."

Giovanini : "je crois qu’entre les deux portes de gauche, le montant commun abrite un tuyau vertical en cuivre"

Cibien : "mais oui, un tuyau. Et dans ce tuyau il y a un cylindre en alu."

Giovanini : "mais oui, le cylindre, il doit-être bloqué"

Cibien : "mais oui avec de la limaille d’alu"

Giovanini :" mais oui vous avez souvent utilisé, la manette à gauche du pédalier.".... On dirait les Dupont Dupont De Chez Citron !

Nous :- "merci vous êtes des Dieux !!!!! "

Après Thierry bien sûr : Notre DIEU le père ! On court ! Oh, DS on va t’opérer. On coupe sur 20 centimètres le tuyau en cuivre vertical. On trouve un petit cylindre en alu bloqué enrobé de limaille de fer, on enlève tout. Il nous faut ressouder ! Mais qui a un poste ? Les Marreau ces génies de la mécanique !! Je m’approche de celui que j’appelle le professeur Tournesol, le chauve bien sur. Je demande, il est trop occupé. Pas grave ! Et si on allait voir René Metge ?

"-Tenez les gars, un kit oxygène acétylène et de la brasure. Bon courage !!"

Merci le cow boy du désert Il est beau ton stetson, il est bon l’individu ! Plus tard alors que nous étions hors couse, les frères Marreau se sont plantés dans un gué, on ne les a pas aidés, on était con !! Nous n’étions pas dans la même course !!!

On enlève le cylindre, on brosse, on met le liquide de suspension...

Superbe Titine est normale comme au Troca !! Le soulagement est énorme, nous rejoignions le Niger ou un spectacle de danse et musique nous est offert par le maire de GAO. Et là, rencontre…. Hulot qui déplie son antenne de 12 mètres pour émettre. Quel beau gosse le jeune journaliste !! Combinaison blanche chèche blanc. Il le sait le bougre.

Yves Rénier l’acteur, encore un beau gosse ! Nous les quelconques on est dans le caca...Une petite Touareg 15 ans et 2 enfants. On lui paye 3 thés à la menthe. Elle est belle et adorable...Une heure après je m’aperçois qu’elle puise son eau dans le Niger pour confectionner son breuvage !! Putain je sors les pilules pour aseptiser l’eau !! C’est con un touriste !! Bien m’en a prit, la citerne d’eau potable que nous attendons n’arrive pas. Pas grave on puise 15 litres d’eau dans le Niger, on ajoute 10 pastilles pour la rendre potable car à chaque départ le règlement nous impose de posséder 5 litres d’eau par personne pour toute spéciale. Et demain c’est Mopti !

Mais il nous faut passer le bac qui traverse le Niger. Là, 2 heures d’attente, il n’accepte seulement que 12 véhicules ou 4 camions.

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Il a été financé par les Allemands. Le prix du passage : 35 francs...Plus tard le prix a été multiplié par 20, 30, 50, ce qui a provoqué la colère de Sabine ! Pendant l’attente d’embarquement, de vieux Africains assis nous observent Ils sont ulcérés, blessés, crouteux, malades. Je sors la trousse de pharmacie et pendant 2 heures je les soigne, leur laisse poudre, crème, bande, pansement. Delles, tu offres un peu du vieux continent, mais il n’y a pas que toi du con ! Sabine a affrété un camion chargé d’outils FACOM. Il laisse une caisse complète dans tous les garages que nous croisons. Plus tard avec Balavoine, ce sera les pompes. Sunhill a trouvé la solution à son problème, il remonte au classement... Vas-y Yves !!!
- "Qu’as-tu fait ?
- Ma cloche d’embrayage avait sur le dessus un trou d’aération. Le sable s’y engouffrait. Depuis le début, je marche au Coca pour rincer le disque. J’ai bouché le trou... plus rien je ne patine plus ! Superbe ! j’attaque !

Tiens fais un test, mets du steak haché dans du Coca, il devient tout bleu. Elle décape la boisson de l’oncle Sam. Ils sont cons ces ricains, penses à ton estomac ! Choisis le Bordeaux ou le Bourgogne, ça c’est Français ! Et sain ! Ne prends pas un cru Mosanto ! Demande à Bové

Passé la rive on s’autorise un répit. La Déesse resplendit toute neuve dans son écrin, pourtant demain c’est MOPTI. On ouvre la dernière bouteille de whisky, on est vraiment con !!

Je commence à délirer GAO et ton NIGER Tu ressembles à ta mère Ventre de l’Afriqueu On te fait pas la nique Tu respire et tu vis Et moi Claude, je t’envie Toulouse 80 Nougaro

Là je déconne, ce n’est qu’un plagiat du maître. C’est nase, tant pis j’ai pris du plaisir...Et même si c’est un peu jazzy, la java reste là. Enfin je crois que je me fais du cinéma. Couché Claude t’es bourré. Non ! Les mecs… Hé, Biron pourquoi…Tu n’as pas voulu qu’on… Vide…La bouteille… Non, la voiture… De toutes ses pièces Détachées.Ce n’est pas une voiture de course, c’est une voiture d’assistance !!!Et on a la boucle à faire !

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Imagine, nous avions à l’arrière de la DS un tire- fort avec 15 mètres de filin d’acier, 2 trains avant complets que les Citroënistes appellent les bêtes à cornes, un carbu, un démarreur ( merci ), etc, etc….On pèse 2,5 tonnes !!!

Et tu dis que je suis bourré Biron !!! Salut les …je dors !!

Oh, belle nuit ! Les pirogues du Niger, les péniches de la Seine quel beau mélange de rêve...Un moustique me pique !!! Plus tard le professeur Gentilini, spécialiste à la Salpétrière des maladies Africaines n’a jamais su ce que je couvais...Une plaque sur la face qui se déplace au hasard des stress ou des non stress. Là est la question ? Demandes à William !! Il m’a fait chier ce con de diptère pendant 10 ans. L’Afrique laisse des traces et à part ce moustique, les miennes furent intellectuelles et elles perdurent dans le 18ème arrondissement de Paris, mon lieu de résidence. Lorsque je prends le bus, c’est taxi brousse pour Bamako, lLa SS, la CAF, tu côtoies, le Mali, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Haute Volta (Burkinafasso). Je n’ai plus besoin de voyager, j’y rencontre encore quelques gens biens mais ils sont plus rares... Cela me désole. On a tué l’Afrique Trois, Deux, Un….Le bras de Roger, l’assureur du DAKAR, l’assureur de l’impossible, se baisse. Il est partout cet homme.

Je crois que nous sommes..... KO ! KO ! KO ! KO !

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Direction Mopti, 550 km. Pendant 50 km, on glisse, on vire, on plonge... Biron n’est pas mal. Puis tout se gâte, le sable devient de plus en plus mou. On s’enlise, on pousse, on s’inquiète. Biron fait toujours des miracles ! Puis…Merde !! On n’a pas vu le trou, la Déesse plonge. Biron cale. Pas de panique, un petit coup de démarreur et… Rien ne se passe, impossible de pousser notre mammouth, trop lourd. Il nous faut changer le démarreur !!

Imagine, à Paris, on avait répété la situation moteur chaud, 5 minutes pour changer la pièce, en Afrique 20 minutes ! On peut appeler cela la théorie des climats. Tiens cela me rappelle les années 60, à l’Hôtel Dieu où ma mère était infirmière. On disait à cette époque qu’une blanche valait deux noires. En clair les blacks étaient plus lents. Ils ne connaissaient pas l’Afrique ces petits blancs...Pas sympa la vision de l’Assistance Publique d’antan. Cela sentait encore les colonies

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A peine 5 minutes...Arrêtés, seuls dans cette mer de sable ??? Non ! Un dromadaire et son touareg immergent de nulle part. C’est magique. Il nous regarde réparer ; Biron et Lamy :-Si on faisait un tour de dromadaire ? Tu y crois toi ? Nous sommes en pleine spéciale ! Pour le moral des troupes je m’écrase...Ou plutôt ils sont 2 contre 1 !!!

Je connaissais la folie des profondeurs, mais celle du désert ??? Un petit billet pour le sympathique et accueillant touareg qui n’a rien compris et nous repartons. Dix kilomètres ; la mer de sable se déchaine, des vagues, des creux, du mou, on se croirait sur l’Atlantique...STOP ! dis-je.

1 On dégonfle à 1,2 bar

2 On utilise la technique de la contraception d’antan (rien à voir avec le site bien sûr !!!)

Biron et Lamy ????? He oui, les gars dès que la Déesse commence à s’essouffler, moi et Lamy on saute en marche !! OK ! OK ! OK ! OK ! Et nous voila jusqu’à la nuit dans une galère encore plus grande que celle du Tanezrouft !!!

Râ se couche sur l’horizon. Là, je crois qu’on là dans le fion. Et on ne sait pas ce que sera Mopti- Niomo, Niomo- Tombouctou, Tombouctou- Gao Je crois que nous sommes..... KO ! KO ! KO ! KO !

Cette nuit fut la plus courte et la plus longue à la fois. Le jour se pointe… Nous faut-il rejoindre Mopti, puis courir après Niomo et enfin atteindre Tombouctou ??? Nous sommes sürs d’’être très vite hors course.

Casser la déesse dans la boucle ? C’est ce qui arriva à la CX de Costa, pas envisageable pour nous. Nous voulons Dakar !!!

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Notre réveil est silencieux. Nous ne parlons pas. Les traits sont tirés et les gestes nerveux. Personne ne veut émettre quelque opinion. Il faut choisir. Il faut choisir. Je vais fumer une clope. Biron fait un café. Lamy trifouille dans le coffre.

Le silence est pesant. Et le désert nous plonge dans un mutisme total. Le sable reflète ses mirages, nous offrant un miroir dans lequel nous n’osons pas nous regarder.

Je craque : On stoppe ici, on fait demi -tour On retourne à Gao, on attend le rallye Nous le suivrons dans les liaisons en évitant les spéciales cassantes Nous pourrons alors, peut-être voir Dakar Qu’en pensez-vous ?

Biron hoche de la tête Lamy, silence...

Demi -tour sur Gao : C’est fini…. Les trois machos la queue entre les jambes vont encore galérer pour rejoindre la cité. Nous devons retirer notre n° de course sur la voiture ou le barrer.

Moral ! Les mecs, nous sommes maintenant des touristes.

Il me reste très peu de péloches pour les photos, mais pas mal de films pour ma caméra Eumig. Je vais enfin m’imprégner de cette magnifique Afrique. On repasse le bac. On attend le rallye. Toutes fenêtres ouvertes on visite la ville. Quelle détente.

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La pression est tombée, nous acceptons ce demi échec. Thierry a raison, il faut des amateurs sur son Dakar !! Les petites maisons sont en torchis, les rues sont en terre, on croirait des pistes, le rythme est lent, l’Afrique sieste, il est midi. Nos estomacs réclament. Deux jours sans manger. Dans une petite rue, une inscription à la peinture noire (sans jeu de mot) : Café- Restaurant

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Lamy stoppe la DS 112. Nous entrons dans une petite cour. Dans un coin une grande bâche tendue offrant de l’ombre, des matelas tâchés, une petite table basse en bois toute en longueur. Ca c’est notre truc ! Chouette , non ? Un Georges V africain, deux femmes et plein de gosses nous reçoivent, je n’ai jamais vu un mec travailler. Vous voulez manger ? Tu parles !!! Que oui !!! Elles nous proposent du bœuf (lire zébu) ou du poulet. On se remémore tout de suite l’abattoir sur le Niger et ses millions de mouches. D’une même voix, Biron, Lamy, Delles : Du poulet ! Du poulet ! Du poulet ! Et trois cocas en bouteilles fermées. Une des deux femmes nous amène près de deux enclos ronds de deux mètres de diamètre, dans lesquels se trouvent des volatiles. Elle nous demande de choisir. On tend le doigt. Elle saisit la bête, coupe le cou, vide et cuit. Une heure et demi après on se restaure. Si c’est pas BIO ça !!

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On va rester 3 heures dans cette charmante guinguette. Nous sommes les seuls clients. Bien sur le thé à la menthe est offert. On laisse un pourboire occidental. L’Afrique est pauvre. Je commence un peu à m’excuser de notre intrusion capitaliste coloniale. Mais la découverte n’est pas finie. Nous allons rencontrer la corruption ou la démerde, au choix. Une visite plus approfondie de la ville s’impose. Petit train sénatorial 20 km/heure, Lamy assis à droite à l’extérieur sur le pare-buffle.

Ne passez pas par la case départ, allez directement en...

Coup de sifflet. Un flic sur son 31, nous arrête, son pistolet-mitrailleur sur le côté. Le même que j’avais à l’armée en 67, le même que les poulets possédaient en mai 68 (hé oui je suis un ancien soixantehuitard ). Il demande le passeport de Lamy et lui réclame 200 francs. Motif de la contravention : circule à l’extérieur du véhicule Alors celle là !Elle belle ! Quand tu connais les rares taxis et autocars de Gao, où tous les passagers voyagent entassés sur toit. On se met à rire. Mais faut pas rire en Afrique devant un représentant de l’ordre. Le carabinier se fâche et demande à Lamy de l’accompagner au commissariat. Sur place, il le met au trou, cellule sur terre battue sans chaise. Biron et moi, sommes partis pour deux heures de palabres. Rien n’y fait, nous payons Lamy est libre. Bel accueil !!! L’Afrique nous tend les bras !!!! Demain le rallye arrive....

Ce matin, il y a marché à Gao et ce soir le rallye arrive. Il nous reste 8 heures de visites…Allez on se lance ! On va respirer l’économie locale. Rien à voir avec nos marchés français, nous sommes en plein folklore et ses trois activités primaires : Elevage, culture et pêche

On commence par le tout va : cuvettes plastiques, vêtements colorés, paniers, on se croirait à Barbès !

On attaque la bouffe. ..Des fils tendus, des poissons séchés enfilés comme des perles, ça pue ! Et on ne reconnait aucun poisson…Capitalistes ! Des légumes en petite quantité, dans des paniers, rien à voir avec nos étales. Sympa tout de même. Des animaux sur pieds : chèvres, moutons, poulets, zébus, dromadaires. Le pire : la viande débitée !

Une femme devant une page de journal, garnie d’un morceau de zébu à même le sol, secoue un chasse mouche toutes les secondes. Un notable en boubou s’approche et négocie le pavé de steak. L’affaire se fait. Le notable sort de son boubou une pochette attachée à son cou. Lorsqu’il en extrait des billets en francs CFA , la vendeuse baisse la tête. On ne regarde pas, on ne jalouse pas, on n’envie pas l’argent, on s’incline. Ce monsieur doit être d’une grande famille. Je reste coït. Je viens de comprendre notre politique Africaine. On crée de nouveaux rois nègres.

Au détour d’une allée on rencontre deux étrangers : deux blancs : Fisquet et Bongiovani. Nous on est déjà presque noirs.

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- Salut les mecs ! Vous faites quoi ici ?
- Nous sommes la Toyota n°172 et on s’est tapé sur la gueule avec notre 3ème coéquipier dans le Tanesrouft. Il a craqué, il a abandonné, on est hors course. On attend le rallye, on veut voir Dakar…
- Vous faites quoi dans la vie ? Frisquet : carrossier Bongiovani : forain
- Bienvenue au club les gars ! Un petit tour de manège pour fêter ça. OK !!

Elle chaussait du 44 !!!

On zone un peu, il fait très chaud. Vite on trouve un bar, très frais, frigo tout neuf, carrelage au sol. Un patriarche assis sur un fauteuil avec une jeune fille qui le ventile avec un éventail. Oh ! Ca sent la mafia, hue et gare à l’environnement. Il doit avoir du fric le vieux. Nous sommes 5, le patron sent une bonne affaire. On commande cinq omelettes, on craint l’intoxication. Tout se passe bien, quand, à la fin de la collation, le patron nous demande comment on perçoit l’Afrique ?

Nous : - ça change ! On reste à distance, on sent une proposition. Bingo !!!! Le vieux nous dit :
- Vous voulez connaitre l’amour en noir ? Ca y est on est tombé sur un mac, il est loin Pigalle.
- J’ai une fille qui a 16 ans, elle est belle, je peux vous l’offrir. Nous : bof ! Lui : venez voir La DS 112 s’en va, la Toyota 172 veut voir…. En sortant du bouge, F et G nous disent « On voulait voir » comme pour s’excuser...
- On est vite parti ! Nous : pourquoi ?
- Elle était belle et jeune la black. Quand on est rentré dans la pièce, elle était allongée toute nue sur une table…Elle chaussait du 44 !!! On a vu que ça !!!!

Vite le rallye arrive !!!

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Qui a passé la boucle ? Tombouctou-Gao, absentes les nanas de la 127 !!!

"Ce matin, je sens comme une grande excitation chez Lamy. Gao-Niamey, liaison de 1400 km, et Lamy, c’est le pilote des liaisons. Biron va se reposer et moi je vais filmer. Partis après le dernier classé, nous faisons route ou plutôt piste avec Bongiovani, Toyota n°172.

Pendant 50 km Lamy et Bongiovani se tirent la bourre…Travers, dépassements, ça va encore, la piste est honorable. Je crains quand même pour la Citron !!!

Il se fait plaisir le Lamy. Allez lâches-toi JP !!! La piste se durcit. Biron le super mécano, lance :
- Arrêtes tes conneries Lamy, on n’est pas en spéciales !

La savane est resplendissante, le paysage envoutant. Derrière chaque arbre se cache un marabout. Les baobabs sont un peu pliés (tiens c’est du Renaud), les girafes n’en finissent pas de tendre leur cou, les rugissements lointains me rappellent un peu le zoo de Vincennes, (qui va bientôt rouvrir ses portes en 2015 pour dit). Mais l’endroit reste unique. Je ne peux réellement pas me faire des repaires avec ce que je connais de notre vieux continent….L’Afrique c’est l’Afrique Dellès ne voyage pas comme une valise sur laquelle on colle un autocollant du pays ou de la ville pour montrer à tous tes amis et à toute ta famille que tu y étais….Oui, la voix ! Je m’imprègne !

On a plus d’eau potable Moi : - « Lamy à droite un village ! Et je crois qu’il a un puits. » Nous nous arrêtons à 20 mètres des cases. Une cinquantaine de gosses courent vers notre DS. Nous sommes assiégés. Nous distribuons des tee-shirt (ceux des photos), des Bic, des casquettes….. Les us et les coutumes veulent qu’avant de pénétrer dans un village, tu demandes le chef.

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On envoie le gosse le plus âgé en émissaire pour qu’il quérisse auprès du chef notre demande d’eau potable. On attend un quart d’heure, palabrant avec les mioches très curieux. Leurs yeux sont scintillants, plein d’étonnements. Ils ont envie d’apprendre, de toucher, de rêver. On reste comme trois cons devant cette soif de connaître. Ils veulent qu’on reste, qu’on leurs explique. A 100 mètres un grand black en boubou entouré de sa cour, d’un pas lent et majestueux s’approche de trois petits blancs ( c’est nous) qu’il a rarement croisés. Nous le saluons et lui demandons son hospitalité….et 15 litres d’eau potable. Le mage nous convie à le suivre dans son village de cases, et nous arrête devant sa fierté : son puits source de vie (encore financé par les Allemands, on n’a rien fait nous les Français ???). Le puits a une profondeur de 150 a 200 mètres !!!

Le chef interpelle un domestique, qui encorde un dromadaire. C’est cet animal qui en marchant va remonter l’outre pleine du breuvage tant attendu. Nous nous inclinons devant le sage. Comme remerciement, nous lui offrons en notre humble possession : du sel fin et du poivre. Il est ravi, nous souhaite une longue vie, nous confirme que l’on peut revenir quand nous voulons.

En quittant le village tous les enfants courent derrière notre DS et tendent leurs bras, comme pour un Au revoir . La scène est émouvante. Je craque !! Et dire que le prix de notre véhicule pourrait les faire vivre pendant 15 ou 20 ans !!!

C’est aussi ça le DAKAR

Merci Thierry, tu as tout compris. Et dire que ma première DS, je l’ai eu en 1956 j’avais 10 ans !! C’était une Norev…

La voix : "He ! Dellès ! C’est le professeur Alzheimer. Oui, et alors ? Tu n’as pas attendu que le rallye finisse la boucle de Gao. Tu es parti la veille. Et c’est pourquoi tu t’arrêtes à Niamey." Moi : "Mais il est con ce notable ! 33 ans nous séparent de l’aventure, du récit, je peux avoir un trou !!!"

Depuis Gao, Lamy est énervé. Il a passé 2 heures en prison et Biron lui a demandé de ralentir dans la liaison. Il tire une gueule le bougre. Nous (lire Biron Dellès) on veut décompresser. Niamey la grande nous accueille. On cherche un coin tranquille pour bivouaquer. Impossible en pleine ville. On sort dans les faubourgs. Là un havre de paix. On s’arrête, le soleil est sur le point de disparaître.

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On invite Lamy à préparer les duvets et à faire du feu. On prétexte d’aller faire des achats en ville pour diner. On le plante seul sur place. Dans la DS, on se regarde et on pousse un gros Ouf ! A nous Niamey !

Stop ! Une boite de nuit tenue par un Français !

Biron : "- Allez ! on boit un coup ?"
- " Tu parles mon gars !" L’ambiance est feutrée, les spots resplendissent, la musique issue de vinyles nous réchauffe, les filles, des blacks hyper maquillées, ressemblent à des voitures volées. Elles travaillent au bouchon et plus si affinité. Au bar, un Français coopérant au Niger.
- "Vous faites quoi ici les gars ?"
- "On est du Dakar ! "
- "Chouette dit-il c’est ma tournée !!!" Pendant 3 heures, nous parlons de nos aventures respectives. En effet il faut vivre au Niger. Et dire que Lamy nous attend !! Le coopérant nous invite. Il était de Paris, nous aussi !
- "Venez à la maison, vous avez besoin d’une douche, d’un bon repas et d’un bon sommeil." Ok ! Man ! Mais nous sommes trois. Ok, ça marche. Allez le chercher ! A notre arrivée sur le havre de paix, Lamy pestait, hurlait, nous insultait d’avoir poiroté 3 heures. Calme Jean-Pierre....On est invité chez un Français. Il n’est pas bon notre plan ? On se lave, on mange une cuisine Européenne, un pur bonheur. Le coopérant et sa femme sont heureux de parler du pays, la France. Ils nous invitent à danser dans la boite que nous venons de quitter. Lamy se détend, danse avec les voitures volées, nous aussi. Merci à cette famille, j’ai perdu leur adresse, Ce n’est pas bien...

Hallte...Douane !

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Le lendemain matin, embrassades et nous voilà partis. Déjà nous côtoyons les premières voitures du rallye quand en pleine piste, une cabane isolée. En plein désert, une queue de pilotes passeport à la main.

Putain c’est la frontière, quel bordel !!!On passe à côté ??? Sûr ! On en a pour 2 heures !! Regarde les deux douaniers. Ce sont des malades du tampon, de l’autorité. C’est tout ce qu’on leur a appris ? Nous les Français ? Ils sont tatillons, ils te toisent. Leurs décorations bien en avant te narguent. Ce sont eux qui ont le pouvoir : des décideurs, des gabelous. Dans la file je repère 3 Français ne faisant pas partie du rallye qui avait une 404 pigeot.

Je leur dit :
- "Ils sont cons ces deux là, tu crois qu’on peut leur glisser un billet dans le passeport pour passer plus vite ? " L’un me répond :
- "Pas celui de droite c’est un malade. Il va te parler de corruption et cela va te coûter 3 fois plus cher. Celui à gauche, tu peux, c’est une de nos connaissances. Tous les mois on passe trois 404 en Afrique pur les revendre. On vit un mois, on passe des vacances et on revient par avion en France." Super votre job, merci pour le tuyau.

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On s’exécute, ça marche. Quinze minutes après on repart, laissant les pilotes classés attendre leur tour. C’était la première fois que l’on passait en tête !!! On était fier. Sur la route on croisait tous les pilotes encore en course. La descente sur Bobodiolasso nous exaltait, nous étions encore sur le rallye. A 300 km de Bobo, une petite ville. Puis arrêt devant un café.. La BMW n°87 !!

Stop Lamy ! C’est Hubert ! La DS se bloque. Les trois amateurs que nous sommes s’extraient, on court vers l’établissement. Là un grand, un énorme motard les traits un peu tirés : L’Africain Blanc : Monsieur Auriol en personne !

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Nous lui serrons la main, il a l’air hagard mais reste sympa.
- "Ca va Hubert ? "
- "Non ma boite est bloquée"... Il semble errer dans le bar et reste pensif. Ne voulant pas le déranger, c’est quand même le premier du rallye, on s’incline et on le laisse à ses pensées. Putain les mecs on a serré la main d’Hubert ! On a connu la suite dommage...

Arrivés à Bobo l’hôtel est plein. C’est un cinq cuvettes en plastiques dans le guide "Dégobillot". Les concurrents squattent tout le jardin, on se croirait dans un camp de Rom ! Pas grave on a sommeil...

Tu crois qu’on verra Dakar ???

"Hé bien à Bobo, ce soir là, on n’a pas dormi. Nous venions d’atterrir sur une autre planète, entourés d’extras terrestres tous différents :

Des heureux, des râleurs, des tuméfiés, des cassés.... Que sais-je encore !!

Ah, on en rencontrés : Des grands YAKAS, Des je connais la piste, Des l’Afrique c’est mon histoire, Des tu devrais, Des vous savez, Des PDG s’autofinançant, Des PDG ayant payé leur place sur un véhicule, Des n’importe quoi.... Puis trois naïfs, nous !

C’est assez drôle de réunir sur une même épreuve autant de singularités !!

Sabine : génie ou fou ? Et nous : désargentés ou inconscients

Saoulés, anéantis par tant de conseils, il nous fallait trier !

Biron : "Si les spéciales sont avec gués et trous énormes engloutissant un véhicule, je préfère le train Bamako-Kayes. On met la DS sur un plateau !"

Moi : "Mais c’est ce qu’ils disent. La DS est en pleine forme. J’y crois par la piste."

Lamy : "Et si le train tombait en panne ? De plus il met 32 heures pour atteindre Kayes !"

Bien vu les gars, on tire à la courte paille. C’est Biron qui gagne, on prendra le train. Pleins feux, klaxon à fond, on quitte le rallye, la DS se transforme en ambulance pour handicapés du raisonnement... Tu crois qu’on verra Dakar ???

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Ouf ! Bamako, en voilà une ville qui ressemble à une ville. Nous étions un peu perdus nous les Européens jusqu’à ce jour, faut que je respire. Allez vite direction la gare.
- "Bonjour Mr le chef de gare ! Nous voudrions mettre la Déesse sur un plateau et l’accompagner, c’est combien ?"

On fait les fonds de nos poches, on n’a pas assez d’argent. Pas grave, on va chercher une banque. Quand tu sais que la Banque Française la seule implantée en Afrique à l’époque est la BNP, alors tu t’inquiètes. Mais non les poireaux, j’ai mon chéquier et je suis à la BNP !! Retour en centre ville.

- "oh elle est belle la black en tailleur, chemisier et chaussures à talons"
- "Bonjour jeune demoiselle, nous cherchons une BNP"
- "Cela tombe bien, j’ai un ami qui y travaille, suivez moi" C’est bien d’utiliser des autochtones, tu perds moins de temps !!
- "Vous faites quoi dans la vie mademoiselle ?"
- "Je suis étudiante au cours Pigier" Tiens encore une école Française implantée en Afrique. Elle prépare des sténos dactylos. Ca vous embouche un coin les cybernaute. C’est quoi ce métier ?

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Un peu de sousous dans popoche et nous retournons à la gare. Le Biron est inquiet...Comment vont-ils monter la DS sur le plateau ? C’est là que le chef cariste intervient avec un énorme Fenwick. Il introduit les deux lames d’acier sous la voiture. Biron : -"attends chef (ils aiment bien) il faut mettre des cales en bois pour éviter d’abimer l’engin" Chef cariste : -"oui, oui, patron !" Biron : -"h’attends ! h’attends !" Il s’exécute...La voiture sur le plateau sans encombre...On respire. Ouf !

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Ils sont vraiment cons ces blacks...C’est ce que nous pensions à l’époque. Nous étions issus de la pub "Ya bon Banania" et nous étions en pleine période oncle Ben’s. T’imagines un peu notre vue un peu étriquée !!! Quoique ! A l’époque on pouvait parler en mal des régions, des religions, des races, des couleurs. Essayes aujourd’hui !!! Tu es condamné ou censuré !!! La France se meurt de sa richesse intellectuelle et se nivèle par le bas. Dramatique constat. Pas grave pour moi vu mon âge. Je me meurs de la bêtise de la multitude. Réagissez les jeunes ! Mais faisais-je partie de la multitude ? Très peu sont partis sans sou sur les Dakar. Nous étions des fous. Et là se pose une question philosophique, c’est une histoire de nombre. Les fous sont fous parce qu’ils sont en minorité mais le jour où ils deviennent majoritaires, ils deviennent normaux et les autres des cas sos ! Bon j’arrête là. J’ai du être piqué par un moustique africain !!

La DS attachée, nous avions 3 places assises dans deux wagons de voyageurs. Impossible d’y pénétrer. Pleins de femmes, de chèvres, de moutons, de sacs d’agrumes, L’arche de Noé quoi !

Direction le chef de gare :
- "On peut rester sur le plateau près de la DS"
- "Oui ! Oui ! Patron"

A coté de la DS une moto est sanglée la n° 35 :
- "Je te connais motard on s’est vu chez TSO le jour où on a récupéré la trousse de survie"
- "He ! Oui ! Je suis Jean-Pierre Lerude. Avec mon père je suis céréalier en Beauce, 500 hectares. Je suis hors couse je n’ai plus d’assistance avion. J’ai un pneu avec une hernie et je n’en ai pas de rechange ! Et il y a 14 personnes qui m’attendent à Dakar !!! J’ai 24 ans..." Ah ! Paysan ! Ca eut payé....

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- « T’inquiètes pas, le gars Lerude. Arrivés à Kayes, avec ta moto n°35, tu passes devant nous. On te suit à la trace et si ton pneu arrière éclate, on vide une partie de la DS, on te fait une place et on sangle la XT sur le toit. Ok le Beauceron ? » Lerude : « Merci les Parigots »
- « Mais qui t’attend à Dakar ? » Lerude : « Ma famille et ma future belle famille »
- « C’est qui l’élue ? » Lerude : « La belle Florence »
- « Elle fait quoi la Flo, » Lerude : « Elle est étudiante »
- « Et ses parents ? » Lerude : « Céréaliers en Beauce, 600 hectares. Dans quelques mois on se marie et nous nous installons dans le Berri, 200 hectares »
- « Waouh ! Bon, on ne va pas attendre la récolte. Il part quand ce train ? On veut Dakar ! On veut Dakar ! »

Après 3 heures d’attente, les fourmis noires s’activent, les fourmis blanches se réjouissent.

La machine diesel vrombit, le convoi s’ébranle, on part. Le train roule à peine une heure que déjà il s’arrête, en pleine brousse, pas de gare, personne en vue. Après deux heures d’attente, Biron s’inquiète et part en tête, voir le machiniste et son mécano.

Biron : « Ils ont une panne électrique. Je prends 2 ou 3 mécanos du rallye présents sur la rame et on les aide à réparer. » En une demi-heure l’affaire est faite, le train repart. C’est le moment de photographier. Ah mais je n’ai plus de Pellicule ! Que vais-je pouvoir envoyer à Jeff ? Lerude : « C’est qui Jeff ? »
- « T’inquiètes pas JPL, je suis en 2015 ! C’est pas grave ! » Lerude : «  ???? »

Beauté de l’Afrique, zénith de son soleil, bercement de son train…que déjà je m’assoupis. Ah il est beau le Delles dans les bras de Morphée De ces moments magiques il se met à rêver…

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SOUDAIN cauchemar ! Le train s’arrête dans une petite gare. Je dégouline de sueurs. Je n’ai pas mis de casquette. J’ai du dormir très longtemps en plein soleil et pourtant nous n’avons parcouru que 50 km. C’est le drame à Ok Coral. Une pièce du diesel a cassé. Elle doit être acheminée par la piste et en camion. C’est pas gagné. Mais quand ? Et si le camion était aussi mal-en-point que la loco ? Et si, et si, et si…

On attend 3 heures sur le plateau. Je filme. Nous visitons le petit village. Les gens sont enthousiastes, curieux, gentils. Un jeune de 10 ans nous pose des questions, se met dans la peau d’un journaliste Africain, son Français est parfait. Il doit être le premier de la classe. Nous échangeons nos adresses, il m’enverra une photo de lui plus tard : Un polaroid. Un militaire s’approche :
- « Il est interdit de filmer, secret défense ! Donnez- moi votre pellicule »
- « Mais commandant » Il se redresse tout fier
- « Je ne vous ai pas filmé .Bon j’arrête, j’arrête promis » Dix minutes de palabres et je retourne sur le plateau. Je planque ma caméra et je me mets à jouer du tam-tam sur un jerrican. La tension retombe. Il nous faut partir mais comment. Il n’y a pas de quai de débarquement, pas de fenwick. Biron : « Les traverses de rails, oui les traverses de rails. il y a un énorme tas là-bas » Lamy : « Il faut demander au chef de gare »

Ce dernier accepte, à condition que l’on remette tout en place, un fois la DS au sol. On s’exécute. On fabrique un escalier en empilant les traverses jusqu’à la hauteur du plateau. On met la DS en position haute. Epreuve de franchissement réussie. Allez Lerude tu passes devant et on reprend la piste. Direction la plage de Dakar et c’est encore loin !!"

Dakar, on arrive !!

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« - Hé ! Les gars, vous avez vu comment il maîtrise son engin, le Lerude. Sur la piste devant nous, c’est Don Quichotte sur sa rossinante. Il veut la retrouver sa Dulcinée du Toboso, à Dakar. Et nous avec notre âne, la 112 on va l’aider, on va jouer les Sancho Pansa ! »

Je vous le promets, avant les retrouvailles avec sa future belle famille, on lui chope son casque, celui de Don Quichotte était un plat à barbe et on le rase illico ! Ok les poireaux ! Il faut qu’il vive l’inaccessible étoile. Non de Dieu ! Bon d’accord cela n’a rien à faire ici, mais en 68 je voulais aller à Bruxelles voir la comédie musicale Don Quichotte avec Jacques Brel et Dario Moreno. Brel a joué 10 jours, puis il a été hospitalisé 30 jours (cancer du poumon). Je n’ai pas pu le voir. Dario part en Turquie. Il se fait assassiner. J’ai tout loupé. Brel reprend la comédie musicale avec Robert Manuel. Guichet fermé. J’ai re-loupé. Alors tu penses, il faut qu’il arrive le Beauceron. Brel, Moreno, Manuel et la hernie de sa roue, on passe outre.

« T’inquiète pas Mosanto, on a une belle auto, pas de manipulation génétique ! Un mécano, Biron et sa technique !! On est Bio, mon gars, c’est pour ça qu’on est là !

Pourtant je crois qu’on l’a un peu polluée, l’Afrique. Notre passage dans les villages fut prétentieux, arrogant, déplacé. Déjà je le regrette. Et pourtant je ne devrais pas. Nicolas Hulot, le petit journaliste est devenu conscient sur l’avenir de la planète... Yan Arthus Bertrand, le petit photographe, qui a couvert pendant 10 ans le Dakar est devenu défenseur de notre petit astre, la terre... Alors, tu parles, nous on est aussi des petits.

T’inquiète pas le Glaude, on roule, on roule, je filme, je filme. Quand des motos nous dépassent, une Iltis klaxonne. On se gare. Merde, on est en pleine spéciale et on gêne. Je crois que l’on va se faire tout petit. On prend des pistes parallèles, on laisse passer. Ce soir on va se faire engueuler au bivouac. Hors course on a rien à faire dans cette spéciale ! Toute petite la 112, on rase les arbres, les chemins se croisent, on observe dans le rétro.

Devant, la moto 35 s’arrête. Lerude : « Il y a un gué, les mecs, suivi d’une montée de 15 mètres de haut très pentue ! Tu as vu le niveau de l’eau, il est haut. » Tout le monde en slip ! On va tester le lit de la rivière. Il nous faut le passage le moins profond ! « Par ici Biron, à droite, un peu à gauche, non à droite ! T’es sourd ! Ouvre la vitre, merde ! »

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Soudain un bruit de furie, un moteur très haut dans les tours… La 4L des Marreau ! Mais ils sont fous, ils foncent et ils sont trop à gauche, ils vont se planter. Trop tard la 4L s’étouffe et ce soir, ils vont manger du poisson d’eau douce. Des types sympas les poussent, les tirent, ils repartent. Nous on assure. Le gué est passé, reste la pente.

Biron se concentre, position haute il accélère la DS n’atteint pas le sommet. Il repart en arrière, position moyenne. A fond, à fond le, Alain ! 112 est au sommet, nous grimpons à pieds. Lerude et la XT nous rejoignent facilement.

Magnifique le pilote. Allez, on file ! « Vous ne sentez pas un petit air iodé, c’est la plage ! Arrête Delles, on y est pas encore ! Allez presque, non ? »

On roule, on rêve, on chante, on lévite. On stoppe, JP et sa 35 nous dit : « On se quitte là ! Je rejoins directe ma famille à Dakar, bon bivouac, je rêve d’un hôtel, on se reverra plus tard ! » Embrassades, larmes sèches. (Il m’invita quelques mois plus tard à son mariage. Rolls, tente au milieu de la cour de ferme, table des mariés…Merci l’ami !!!)

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Nous rejoignions alors la plage et tu ne peux pas imaginerce qui se passe dans ta tête. Petit amateur, fils d’ouvrier, tu as osé, tu as réalisé ton rêve. Tu as envie d’exploser ou de te faire tout petit… Tu as envie de courir ou de rentrer à Paris le plus vite possible, comme par honte. Mais dans ces moments là, il y a toujours des hommes qui sont prêts et positifs. Le premier Groine et son camion Mammouth. Pourtant il a galéré avec son deux roues motrices. Il passe sur la plage, devant tous les concurrents et annonce un apéro géant à 18 h aux pieds du n°222. Merci JOJO, nous avons pu trinquer et manger avec Gérard D’Aboville et ses grenouilles, et pleins d’autres….

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Un peu chaud, on en voulait encore. On prend la DS et on bloque le compteur sur la plage au milieu de minis vagues. On se fait plaisir, quoi ! Et les frères Delefortrie l’immortalise, nous ne le savions pas !!

Bien il faut préparer le bivouac, demain c’est le grand jour !! Des anciens nous disent : « Cette nuit ce sont les grandes marées. Il faut garer le véhicule loin du bord de plage. » Ah ! Ils sont bons, plus tu t’éloignes de l’eau, plus le sable est mou. On opte pour une solution intermédiaire. Ils avaient raison les bougres. A 3 heures du matin la mer atteint la DS ! On la déplace et on la vautre dans le sable mou. On prépare les plaques pour repartir le lendemain. On replonge dans le duvet, mais déjà ce n’est plus du sommeil. Tu planes tout simplement. L’alcool, les herbes du père Ducros, on s’en fout ! On est là, on est roi, sans noblesse, sans valet, sans serf, sans faux culs : seul avec nous- mêmes.

La plage...Allez ! on se tire la bourre ?

Le Dakar je l’aurai vécu. Nous partîmes 200 et je pense que je suis l’unique sur cette plage. Surprenant, non ?....A chacun son rêve. Le Général Sabine sonne le réveil, dans une heure le départ. C’est vrai que nous sommes une petite armée et qu’il nous faut un chef. Nous nous devons de ne pas nous décourager, Et c’est pourquoi Thierry commande, décide. Et c’est pourquoi nous le suivons. Notre confiance n’est pas aveugle. Mais sans lui certains ne pourraient aller au bout.

On attend le départ du dernier classé et on se présente sur le sable. Tiens regarde à droite la Toyota n°172, nos potes Fisquet et Bongiovani. Allez ! on se tire la bourre ? On jongle entre la mer qui monte, les barques de pêcheurs sur le haut de la plage et la bande de sable qui nous sert de piste et qui surtout rétrécit.

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Restent encore 200 mètres, quand notre protège carter s’arrache. Il nous faut le désolidariser du bas de caisse. On perd 10 minutes. Plus de repère pour rejoindre le Centre ville !! « Tiens, la pancarte Dakar. Stop !! » J’ai gardé une seule photo pour l’évènement.

C’est la fête en ville, les boubous sont colorés, blanc mmaculé, bien repassés, tous sont de sortie. Les joies des classés, des rescapés explosent, ce soir on va s’amuser…. Des chambres étaient réservées pour tous les équipages classés, mais Sabine en grand seigneur nous dit : « Pour ceux qui on réussi à rejoindre l’arrivée hors couse, allez au PC, ils restent des chambres pour vous ! » Il était comme cela Thierry, amoureux de L’Afrique et de l’effort, un grand Monsieur, j’y pense encore… Nous avons sali la salle d’eau mais pas beaucoup les draps cette nuit là…

Le lendemain matin, un autre être positif : Yves Sunhill..
- « Qui m’aime me suive. Je connais le chef du village Club Med à quelques dizaines de km de Dakar. On va se faire inviter une petite semaine avec nos véhicules de course. Pour lui c’est une bonne pub, pour nous c’est du bonheur. » Nous déclinons l’offre, dommage… Le travail nous attend et il nous faut redorer notre bourse bien plate.

Adieu AFRIQUE A bientôt DAME DE FER ON arrive !!!

En direct de Dakardantan News 80 Vous venez de vivre le rallye d’un amateur Claude DELLES DS n°112

Portfolio

P.-S.

Merci à vous : Lectrices et lecteurs assidus Gérard Luce, mon cousin : Gégé de la régie Jean Pierre Lerude, mon ami : Le Beauceron du Berri Alain Biron, le mécano : La clef de 13 de la Citron

https://www.youtube.com/watch ?v=88VnPBwZoog

Jeff Dinet : Le gérontologue des anciens du Dakar


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