mercredi 21 octobre 2009, par Jeff
Plusieurs sont sur les rangs...Traction cabrilolet, divers buggyes, Toyota Célica 4x4... que des véhicules très typés Dakar mais rien qui apporte une touche "class" comme la Rolls... Rien sauf un véhicule bien particulier, non commercialisé en France et qui apparaît pour la première fois sur le territoire, une Jeep...
Pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit d’une CJ8 Scambler flambant neuve, d’un noir magnifique avec boiseries apparantes et chrômes rutilants... Il y a donc un petit esprit de Rolls dans ce véhicule et c’est en tout cas l’état d’esprit de l’équipage et de l’importateur AMC de l’époque, Jean Charles Automobiles. Cette Jeep CJ8, pick-up, est donc l’unique jeep de ce type en France. Importée et préparée dans les ateliers de Jean Charles Automobiles à Paris, elle présente un carte de visite intéressante :
1500kg 150 cv (24cv fiscaux !!!!) Moteur 6 cylindres avec boite semi-automatique réservoir supplémentaire de 400 litres Préparation suspensions (les amortisseurs valaient à l’époque aux alentours de 1 million de centimes !!!!) et pneus spécifiques... air conditionné renfort divers (chassis, suspensions, moteur,...) Treuil à l’avant Consommation....entre 15 et 40 litres au 100km selon l’utilisation (parfois plus encore !!!)
Toutes les entreprises locales (H. Cotentin habite dans le 61) participent à cette aventure et au budget complet qui tourne à l’époque autour de 200 000 francs. Parmi les sponsors, on retrouve bien sûr Jean Charles Automobiles, mais également le parfum Alain Delon et les montres SK (Mireille Darc !!!), ce qui donne également un côté très "VIP" au véhicule. Enfin, le Laboratoire Racine (Photos) dirigé par Serge Buga (concurrent cette année-là sur Mercédes n°243 et coéquipier de Cotentin en 1981) apporte également son soutien.
L’équipage, quant à lui, mérite également un peu d’explications. Henri Cotentin a déjà deux Dakar à son actif. Il n’a pu participer à la première édition car il s’était brisé une jambe deux mois à peine avant le départ.
Néanmoins, en 80, il s’aligne déjà sur une Jeep (aidé également par Jean Charles Automobiles).
En 1981, il devait piloter encore une Jeep, la n°175 (AMC Eagle qui finira pilotée par J-P Kurrer) mais finit par partir avec son pote Buga sur un Mercedes (C’est Henri Cotentin qui fera sortir le "snorkel" sur le toit du Mercedes pou attirer l’attention des photographes !!).
Le voilà donc en 1982 avec un véhicule et l’envie de repartir. Il décide cette fois de s’aligner avec son fils Pascal, 24 ans, afin de partir en famille et partager cette aventure avec lui. Toutes les coupures de presse de l’époque présentent donc l’équipage Cotentin/Cotentin et ces deux noms apparaitront sur les listes d’engagés et sur les flancs de la Jeep. Malheureusement, à 48 heures du départ, l’employeur de Pascal Cotentin refuse de le laisser partir (il était prof) et Henri se trouve seul et presque condamné à abandonner avant même le départ. Un de ses amis, Maurice Legendre, réparateur de véhicules agricoles dans la région, va donc remplacer son fils au "pied levé" et prendre ainsi la place de coéquipier en se faisant passer pour ...Pascal Cotentin.
Voici une photo de presse de l’époque (L’orne hebdo) qui montre bien Henri Cotentin et Maurice Legendre devant un véhicule stické Cotentin/Cotentin !!! Comme on l’a vu, Henri Cotentin a déjà une bonne expérience du Dakar... Deux participations à son actif, en 1980 et 1981, soldées toutes les deux malheureusement par un abandon, mais qui lui ont permis d’emmagasiner un maximum d’informations sur le rallye. Deux choses importantes sont très claires pour lui... Pour arriver au bout, il faut de l’entraide entre concurrents...Il y aura donc le "clan" de gens de l’orne et des équipages qui pourront s’entraider, dont Serge Buga et Alain Trenoy sur le Mercedes n°243.
Et puis, puisque la Jeep n’a pas d’assistance, il lui faut emporter dans sa benne de pick-up un maximum de pièces afin d’entretenir la voiture tout au long du rallye et de faire face à tous les imprévus. Ses deux participations lui permettent de sélectionner les pièces à emporter et celles qui ne lui ont jamais servi...Il charge donc la CJ8 et décide au dernier moment de ne pas prendre de radiateur de rechange, pièce qui ne lui jamais servi lors de ses deux participations précédentes...Vous vous doutez que cette décision aura des conséquences importantes par la suite !!!!
Le départ est plutôt sage pour la CJ8... Toute la première partie du rallye se passe avec le lot habituel d’aventures ou mésaventures de tous les concurrents. Toute la traversée de l’Algérie se passe donc sans trop d’encombres pour la CJ8 jusqu’à l’étape qui amène à Gao, au Mali. Là, peu avant l’arrivée, en plein virage, un pneu éclate brusquement et la Jeep part en tonneau, malgré les tentatives désespérées de Henri Cotentin. Si l’équipage n’a pas de mal (merci les casques et les arceaux !!!), la belle CJ perd son pont arrière, son pare brise et échoue sur le bas-côté de la piste dans un tel état que Cotentin et Legendre pensent bien que la course va s’arrêter là.
C’est sans compter sur cette fameuse entraide du Dakar, si chère à Henri Cotentin. Le concurrent suivant s’arrête, sort les corde, agrippe la Jeep et la remet sur ses 4 roues !!! Henri et son copilote rassemblent les pièces éparses (joies du Pick-up !!!!), attachent le pont arrière avec des cordes (les compétences du copi servent bien à ce moment-là !!!) et parviennent à rejoindre Gao, à 40km/h de moyenne. Comble et signe du bon rythme de l’équipage avant l’incident, ils n’écopent même pas de pénalité et apparaissent 93ème au classement.
Gao, journée de repos... Par pour l’équipage n° 366 qui va passer la journée entière à réparer la voiture.
Bien sûr, le pont arrière qui doit être remis en place et solidarisé à la voiture, le pare-brise et la carrosserie, mais aussi le ... radiateur qui a souffert lors du tonneau et qui malheureusement perd son eau... C’est toujours la pièce qu’on n’a pas qui lâche !!! Puisqu’ils n’ont pas la pièce de rechange, une seule solution, réparer en soudant.
C’est quand même une CJ8 bien fatiguée qui prend le départ de la boucle de Gao, le lendemain de la journée de ...repos. 860 km de spéciale pour revenir sur Gao après avoir touché Mopti.
La Jeep réussira à faire ces 860 km de spéciale, réussira à rejoindre Gao malgré les difficultés du terrain mais surtout les blessures de la voiture et de ce satané radiateur. Malheureusement, la Jeep atteindra Gao avec beaucoup trop de retard et seront mis hors course (les 860 km faits en 26 heures, ...2 heures de trop !!!). Pas de départ pour l’étape suivante qui devait les emmener à Tombouctou !
Cotentin et Legendre sont donc hors course mais décideront de tenter de rejoindre Dakar malgré tout, ce qu’ils arriveront à faire malgré une consommation plus qu’excessive de leur radiateur. Malgré plus de 60 points de soudure, il consommera parfois près de 200 litres d’eau aux 100km !!!
Malgré la déception de l’abandon, l’équipage garde un souvenir merveilleux de cette aventure, remplie de péripéties et d’aventures, avec en plus la satisfaction d’avoir réussi à rejoindre Dakar avec la voiture et de pouvoir le ramener en France. Entre autres péripéties, il faut quand même relater la collision avec un ...chameau qui malheureusement y perdit la vie !!!!! Plus drôle, lors d’un bivouac, Henri Cotentin s’est fait voler une chaussure...puis l’autre deux heures après !!!! "Le voleur avait de la suite dans les idées !!! Je me suis fait chaparder également ma veste de pyjama, mais c’est un accessoire pas très utile...Sur 20 jours de course, on a passé 11 nuits blanches !!!!
Nous avons eu la chance d’avoir Henri Cotentin au téléphone qui a pu nous donner quelques informations supplémentaires concernant ce Dakar 82. Henri est surtout revenu sur les explications concernant son tonneau...
"En fait, à cette époque, Thierry (Sabine) avait confié quelques radios à certains équipages pour pouvoir suivre le rallye en direct et être en relation instantanée avec les concurrents.. Comme je connaissais bien Sabine, il m’a confié une CB et dans cette étape, je pouvais communiquer avec Thierry quand je le voulais. Ca nous a servi car peu de temps avant Gao, je suivais les portugais au volant d’un UMM quand celui-ci est parti en tonneau devant nous. On s’arrête, on donne les premiers soins (le copilote s’était fait très mal au bras !!!), on appelle Thierry qui arrive 5mn après avec son hélico. Merci la radio !!! Je remets l’UMM sur ses roues en arrimant des cordes, Thierry me remercie et me dit de repartir : "Vas-y, fonce" C’est ce qu’on fait !!! Peu de temps après, encore sous l’émotion, alors qu’on arrive sur un endroit que je connaissais très bien, je dis à Maurice : "tu vas voir, on va apercevoir une éolienne !!!" Effectivement, on voit la fameuse éolienne, on constate qu’il lui manque d’ailleurs des pales pour tourner, mais tous les deux, le nez en l’air, on ne voit pas un énorme rocher qui empiète sur le piste !!! et on se le prend de plein fouet !!!!"
Du coup, le Jeep part en casquette avant, fait un tonneau sur le côté, refait une seconde casquette avant de s’arrêter sur le flanc !!! On connait la suite avec la réparation du radiateur grâce à Maurice legendre, les quelques 4200 km jusqu’à Dakar sans pare-brise mais la satisfaction d’emmener la voiture au bout du rallye !!!
Dernière petite confirmation faite par Henri :
"Effectivement,en Algérie, à un moment, nous suivions Jaussaud quelques 200 m derrière lui. Il y avait là un troupeau de chameaux. Le troupeau s’est écarté au passage de Jaussaud mais s’est immédiatement reformé derrière lui, si bien que quand je suis arrivé, je n’ai pas pu éviter un des chameaux que j’ai percuté !!! Le lendemain matin, au briefing, Thierry a demandé si quelqu’un avait eu des soucis avec des chameaux.... J’ai levé le bras ! Il m’a dit qu’il avait pu dédommager le propriétaire et que celà lui avait coûté 3000 F !!! Heureusement que je le connaissais bien, il ne m’en a pas voulu !!!!"
Merci Henri pour toutes ces infos !!!!!