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Souvenirs de l’AMSAM : rapatriement de Pierre Banino,motard n°51...

lundi 11 février 2008

Par Gérard Céolin... J’ai rassemblé mes souvenirs de l’AMSAM, et je vais essayer de vous conter le premier rapatriement du premier DAKAR. On peut intituler ça : comment j’ai transporté Pierre Banino. et dans quelles conditions. Et je vous jure que ça vaut le détour !!!!!

Nous arrivons donc à l’hôtel, qui n’est pas borgne, et pourtant ! Nous sommes là, à demander s’il reste des chambres. Tu parles, la saison touristique n’a pas encore commencée !!! Il reste UNE chambre, nous dit le tavernier local, et avec douche s’il vous plaît. Cette chambre je la retrouverai l’année suivante lorsqu’Adrar sera mon PC lors des recherches de Patrick Boujieau, mais ceci est une autre histoire. Bref, nous nous installons dans la chambre où trône un grand lit de 140 de large. Nous sommes 4, dont une demoiselle, quand un cinquième individu entre dans la chambre : c’est un concurrent dont on ne sait d’où il sort. Le tavernier lui a dit où nous nous trouvons, comme il n’y a plus de chambre (mon œil), il débarque. Il participera donc avec nous à cette nuit hôtelière parfaitement mémorable. Imaginez un lit de 140x190 sur lequel doivent dormir 5 personnes, j’ai essayé, on peut le faire, on l’a fait !!! Joëlle dormira au milieu, "l’indésirable " sera à la tête du lit, quant à moi, ce sera au pied du lit, tellement coincé contre le montant de ce dernier que je passerai une mauvaise nuit. De chaque côté de Joëlle dormirons Bouvier et le dernier arrivé. Je pense que dans le cours de cette nuit, ce dernier n’a pas supporté la promiscuité car au matin nous l’avons retrouvé par terre en train de ronfler ! Bref, le matin, réveillés à la fois par des bruits de motards et par la clarté du soleil, nous quittons "l’hôtel" après avoir bu un café local, qui ressemble à s’y méprendre soit à un café turc, soit à un café fait avec un peu de sable pour donner de la consistance. J’ai encore la sensation dans la bouche lorsque j’ai avalé ce breuvage. Avant de quitter la chambre, nous testons la douche : le bac ne devait pas avoir vu d’eau depuis les inondations de 1910 car on se serait cru sur la place du village. Des traces sur tout le bac, une épaisseur qui dénote soit un manque criant de personnel de ménage, soit de produits d’entretien, soit de mauvaise volonté pour rendre cette pièce "accueillante". Lorsque je reviendrai l’année suivante, rien n’aura changé !!!!! Donc, le café avalé n’avait pour lui que d’être chaud, et ça fait du bien !!! Direction l’hôpital d’où nous sortons Pierre, à la stupeur des autres hospitalisés. Imaginez ça en France, juste un instant. Mais les conditions..... Direction l’aéroport, avec "l’indésirable" et Joëlle, à qui nous demandons de la patience, il faut évacuer Pierre avant de reprendre la route. Très compréhensive, elle accepte de bonne grâce. Arrivé sur les lieux, la séance de rigolade commence. Nous sommes de nouveau accueilli par le chef d’escale, qui nous confirme, bien sûr, la venue de l’avion dans....... horaires africains !!!!!!! Entre temps, on achète un billet pour Pierre, direction Alger. Nous ne nous soucions pas de monsieur Schricke (l’indésirable), qui tourne autour de nous pour profiter du retour de Pierre vers la France. A-t-il un billet, c’est pas notre problème, personne ne sait et on s’en fout !!!!! Pierre est dehors de l’aérogare, à l’ombre, le long d’une haie de faible hauteur, les plantes qui la constituent ont été plantées pour délimiter un passage plutôt que pour faire de l’ombre, mais ça suffit pour ce qui suit. Chaque individu est soumis à la dure loi de la nature et doit donc satisfaire aux plus élémentaires besoins. En ce qui concerne Pierre, avec une fracture de jambe et une du bassin, l’évacuation de sa production naturelle ne va donc pas être aisée. Comme faire sans bassin, objet facilement trouvable dans les hôpitaux parisiens, mais ceux ci sont encore loins !!!!! Un journal, dont on ignore la date, traîne dans la corbeille proche ; il va donc faire l’affaire et sera substitué au manque de matériel ad hoc. On couvre Pierre par pudeur, et après des difficultés dont vous pouvez imaginer le calvaire qu’elles ont fait endurer ( pardon Pierre mais on ne pouvait pas faire autrement ) on laisse tranquillement faire Pierre. En fin de compte, le journal est convenablement plié et délicatement remis dans la corbeille !!! Encore pardon à ceux qui lirons les nouvelles !!!! Pendant le temps que je passe avec Pierre, Bouvier essaie de joindre l’Intass, notre assureur, qui doit venir chercher les blessés du rallye. Je lâche Pierre et rejoins Bouvier au comptoir de l’aéroport et je trouve mon petit bonhomme en train de s’agiter, voire plus, pour obtenir la Suisse, siège de l’Intass. Je découvre comment la mauvaise volonté, la mauvaise fois peuvent être élevées au rang de sport national. Seul le responsable de l’aérogare à droit au respect comparativement aux techniciens radio qui tentent ( ?) de joindre soit Béchar, soit Ouargla, tout comme la veille. A chaque fois que l’un d’eux appelle Ouargla : pas de réponse, pas de ligne !! A chaque fois que l’autre appelle Béchar, même chose, et ça dure des heures !!!!! Imaginez un peu la tension et la pression qui augmentent dans le hall. Des voyageurs arrivent, prennent leurs billets, discutent dans une langue que ne nous ne comprenons pas mais certains sourires sont significatifs !!!! Une parenthèse ici, que je dois ouvrir car tout le monde n’est pas à mettre sous le même burnous : lorsque je "repêcherai Pascal Boujieau, perdu à 180 km au sud/sud est de Reggane, nous serons accueillis d’une façon extrêmement poignante par un policier, une douanier et un responsable de l’aéroport de Béchar : ceux ci n’hésiterons pas à nous offrir la seule pièce chauffée et les lits confortables pour nous qui étions crevés de cette expédition, pour passer la nuit au chaud car dehors : il gelait !!!!!! Bon voilà que je délire, revenons à nos moutons, ou plus exactement à l’avion. L’aventure radiophonique continue entre Béchar , Ouargla et Adrar. Rien ne se passe , rien à faire pour avoir le moindre contact avec qui que ce soit , pas la moindre possibilité pour joindre la Suisse. A ce propos, il m’a été raconté par la suite que le bruit courrait qu’une équipe médicale était perdue dans le désert et que Thierry Sabine refusait de partir à sa recherche. Quand nous avons appris cela avec Bouvier nous avons tellement rigolé que les fatigues pour rattraper le rallye se sont envolées d’un coup !! perdu sur un "aéroport" faut le faire non ! Bon, vers la fin de la matinée, début de l’après midi, (personne n’a de montre au poignet ) on nous annonce l’arrivée de l’avion. OUF !! le calvaire de Pierre va pouvoir se terminer. Ce fameux avion annoncé, on se présente toujours avec Bouvier sur le tarmac , après avoir annoncé la nouvelle à Pierre, qui attend toujours à l’ombre. Il n’y a pas loin de son emplacement au tarmac, pas plus de 10 mètres à parcourir pour être sur la piste ; Surtout n’imaginez pas une piste goudronnée ou en béton, seulement des cailloux concassés et très bien écrasés : un piste du Sahara pouvant recevoir des avions. Lorsque nous passons la porte dite d’embarquement, on arrive sur la piste pour guetter le bel oiseau et là : stupeur, l’avion annoncé arrive bien , signalé par de magnifiques volutes de fumées qui sortent du moteur droit : ce dernier est en flammes ! Pauvre Nord 262, il fait vraiment chaud au Sahara. Imaginez la stupeur qui nous envahie, que faire ? Impossible de retourner à l’hôpital, et pour cause. Difficile de raconter l’histoire à Pierre qui recommence sérieusement à souffrir dans cette position : allongé dans son matelas coquille qui est loin d’être un matelas pullman ( c’est en fait un grand sac en caoutchouc rempli de petites billes de polystyrène et lorsqu’on fait le vide dans ce sac après avoir moulé le patient , les billes s’agglutinent entre elles jusqu’ à former une sorte de sarcophage très dur, servant ainsi de portoir ) Le retour est impossible, il n’y aura plus d’avion, nous dit le responsable. Nouvelles palabres avec les techniciens chargés de la radio, toujours impossible de vérifier ce qui ce passe, toujours la barrière de la langue. Au bout de deux ou trois heures d’âpres discussion, et après s’être fait remboursé le billet d’avion de Pierre et de la civière, on décide d’utiliser une nouvelle stratégie : comme l’avion de ligne était un avion d’Air Algérie, nous demandons s’il n’est pas possible d’obtenir un avion sanitaire de la même compagnie. Et là miracle, comme quoi prêcher dans le désert......................... Donc, un miracle arrive bien dans le désert, le prêche a bien fonctionné, comme quoi tout arrive à point à qui sait attendre, et Dieu sait, si nous avons attendu. Je dis Dieu, mais tout autre peut faire l’affaire, surtout en Afrique. Après une courte hésitation car le temps commence à presser, on discute avec les pilotes de l’avion en panne. Par parenthèse, ils n’ont pas l’air si paniqués que ça, plutôt contents même, vu l’âge de l’avion..... On leur présente notre problème, et ils nous disent qu’il est tout à fait possible d’avoir un petit avion sanitaire bi moteurs ( vaut mieux !) type Beeschcraff (pas sûr de l’orthographe, mais en phonétique ça fait l’affaire) pour venir chercher notre blessé. Les discussions commencent entre les "locaux", nous ne saurons jamais d’où est venu cet avion sanitaire, mais une heure après cette discussion, l’avion attendu arrive, eh oui, avec hôtesse accompagnatrice s’il vous plaît, pas canon, mais présente. On charge Pierre dans l’avion avec notre "ami " Schricke comme autre accompagnateur-convoyeur. Je suppose que vu le peu de temps qu’il a fallu à cet aéronef pour venir, celui-ci devait être basé à Béchar où dans ce périmètre. La suite est assez amusante : dès que l’avion a pris son envol et a décollé, on tente de rappeler la Suisse et là : nouveau miracle. Décidément c’est un jour de chance : ça marche !!!!!! comme quoi il suffisait d’attendre les bonnes ondes.

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D’autres rapatriements auront lieu !!!

L’assureur contacté, nous lui racontons notre histoire bien évidemment. Je passe les petits détails mais un jet est affrété, et vu la rapidité de celui ci par rapport au bimoteur les espoirs sont permis d’avoir une rencontre entre ces deux avions à l’aéroport d’Alger. On arrive à convaincre l’assureur de faire arrêter le petit avion à Alger et de faire un transbordement de Pierre dans l’avion suisse, sans froisser les Algériens !! L’avion de l’assureur conduira donc Pierre dans d’excellentes conditions, en France, sous surveillance médicale, vraie, durant tout le trajet. Lors de la présentation du rallye par Therry Sabine au cinéma Normandie à Paris quelques mois plus tard, je reverrai Pierre sur ses deux jambes, qui me confirmera que tout c’est bien déroulé, comme prévu, tant mieux pour tout le monde. D’autres évacuations aurons lieu, dans des conditions semblables et tout aussi rocambolesques, mais par chance je n’y participerai pas.

Portfolio

On avance avec prudence !!! Notre 504 au départ ! La transsaharienne... Guy Dreumont...Créateur de l'AMSAM Direction Ghardaïa...Enfin l'aventure !!! La piste se transforme... Une bonne partie du matériel de nos 504 sera laissé aux locaux (...) D'autres rapatriements auront lieu !!! La 185 sur le train... repos après le "toit"... la 185 en mauvaise posture !!! Les membres de l'AMSAM autour du motard blessé...

P.-S.

Merci à Odile Rosanval pour les photos tirées de ses archives personnelles !!!!

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