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Le Range Granja, le canari écolo

jeudi 21 septembre 2006, par Sébastien

Le Range Granja est engagé sur ce Paris Dakar 1980, mais attention, eux boiront les bières fraiches dans le désert enfin en théorie. Autre particularité, ils sont 3 à bord. Revivez cette épopée grâce au récit de José Lourseau et aux photos de J.P Lefèvre.

CHAPITRE 5

Gao, ville curieuse. Ville de tous les trafics. Thierry Sabine nous avait concocté une agichante « Boucle de Gao » Nous allions donc passé deux fois dans cette étonnante cité. Très curieusement, entre le premier et le second passage, les prix auront plus que doublé. C’est ce que l’on appelle l’opportunisme. Il a donc fallu traverser le Niger, donc, emprunter (ou plutôt louer) le bac. Imaginez la pagaille pour rentrer les véhicules, les motos et camions à la queue leu leu sur ce frêle esquif. Tout se passa bien, un peu longuet mais bien. Peut être serait il amusant de tenter de vous faire partager ces curieuses ambiances du petit matin, au bivouac, qui se limitait à cette époque aux alentours d’Africatour. D’abord, l’ustensile indispensable, bien plus important, dans ces instants, que la boussole. GPS ? Quel GPS ? Kesaco le GPS ? Il s’agit bien sûr de la gamelle. Alors donc, la gamelle. Achetée dans un magasin de déstockage de produits militaires, elle est constituée de trois récipients. Deux assiettes profondes, qui s’emboîtent l’une dans l’autre et d’une tasse à élégantes poignées d’une forme de haricot tarbais. Une fourchette qui se glisse dans une cuillère grâce à un ingénieux système. Doté de cet équipement nous par dizaines voilà à faire la queue souvent en plein milieu du désert, réflexe grégaire, imbécile, dérisoire et pourtant quotidien. Souvent, lâches, nous fuyons, dans le meilleur des cas, ignorons dans le pire, le regard des autochtones. La fameuse mauvaise foi ! Perchés sur le plateau d’un camion, l’équipe d’Africatour verse du café aussi chaud que leurs mots réconfortant. Ils sont toujours là, présents, fidèles aux rendez vous. Hervé Didelot, le patron, avait bien préparé son coup. La cuisine roulante était fixée sur le plateau du camion, tout cela sentait le magnifique et efficace bricolage. J’ai le souvenir, qu’en 2000, Georges Groine (présent en 1980, voir chapitre précédent) avait organisé pour la restauration de l’épreuve, un véritable self service, avec deux files d’attente, s’il vous plait et des postes « entrées » plats chauds, desserts, couverts, assiettes en plastique, boisson, café…. !!! Les temps changent ! Mais avant de se retrouver à « faire la queue » pour le petit déjeuner qui lui même précédait le briefing il y avait ces moments magiques du réveil du bivouac. Partant du principe que nous allions en Afrique et que nous allions traverser le désert, pourquoi se charger d’une tente ? Donc pas de tente mais un super sac de couchage et une couverture de survie remise par l’organisation (avec un miroir de détresse et une grosse balise jaune). La technique la plus confortable consistait à se mettre complètement nu dans le duvet, de glisser ses vêtements tout au fond (attention l’odeur) de remonter la fermeture Eclair le plus haut possible, de ne faire dépasser que les narines. Pour s’endormir, il suffisait de laisser faire la fatigue. Pour les moins usés, le ciel offrait sa mer d’étoiles, là, toutes proches. Il suffisait de les compter. Le silence n’existait pas. Il y avait toujours un groupe électrogène comme instrument électrique, un compresseur comme instrument à vent, un marteau comme percussion, des tambours de freins démontés, des triangles soudés… On s’endormait avec se bruit de fond. Au petit matin, Thierry Sabine, toujours le premier sur le pont, nous réveillait avec son mégaphone d’un tonitruant « départ du premier concurrent dans une heure ». Et là, les courbatures, le froid, les premiers bruits de moteurs se chargeaient de nous faire lever. Tels des mémères sur la plage de Deauville enfilant pudiquement leur maillot de bain une pièce, nous nous contorsionnions pour retrouver le bon accessoire, la bonne chaussure au bon pied…. Car les chaussures, si nous voulions les retrouver au petit matin, devaient être impérativement cachées. Combien de concurrents se sont retrouvés sans chaussures au petit matin ? Sacré coup de pompes ! Disparues, envolées, les Pataugas ! Pas perdues pour tout le monde heureusement ! Le sac de couchage est roulé, glissé dans la voiture, la fameuse gamelle nettoyée avec du sable (mieux que mini Emir, qui fait le maximum) et au café. Du pain, du beurre et la ration de survie quotidienne (pâte d’amande, confiture, lait concentré sucré, fruits secs, gâteaux). Des bouteilles d’eau. …On fait le plein des bidons d’eau dans la voiture, on prend son road book et.On va au briefing ! Le briefing se fait depuis le plateau du camion Africatour. Thierry sabine, souvent de blanc vêtu s’adresse avec fermeté mais complicité aux concurrents. Il est très attentif au respect que l’on doit aux populations qui nous accueillent et ne loupe pas une occasion de sermonner ceux qui ont eu de mauvais comportements, dans la course ou à côté de la course. Avec malice, il se moque de ceux qui ont eu quelques difficultés avec l’orientation. Ensuite, il expose ce que sera le profil de l’étape à parcourir. Il mentionne les dernières modifications apportées par l’équipe ouvreuse et nous demande de nettoyer le bivouac avant de nous donner rendez vous à l’étape du soir. Beaucoup n’y seront d’ailleurs pas. Ces moments étaient magiques. Nous voilà donc partis sur la piste de Mopti. Nicolas Hulot allait faire ses tonneaux quotidiens. Tout se passait bien sur cette piste en latérite, parfois terriblement défoncée. Certains tronçons ressemblaient à des digues surplombant d’environ 2 ou 3 mètres, la plaine. La saison des pluies provoquait d’importantes inondations. C’était donc le seul moyen pour continuer à pouvoir circuler. S’il y a digue, il y a forcément des passages pour permettre à l’eau de s’écouler. Ainsi, nous retrouvions, heureusement annoncées sur le road book, des gués ENORMES, qui sectionnaient la piste comme une béante blessure. Des creux invisibles de 3 mètres de profondeurs aux bords parfois effondrés. Combien de frayeurs ont été vécues par les concurrents trop inattentifs, combien de ponts avant ont été cintrés, combien de tonneaux effectués à cause de ces creux ? Notre voiture se mit à chauffer. Nous détectâmes une petite fuite. Rien de bien grave, nous avions ce qu’il faut. Mais il allait falloir compléter notre niveau. Le paysage était somptueux. Au loin, le Mont Hombori. Une montagne qui ressemblait à un gigantesque cannelé bordelais posée là, majestueuse. Nous arrivâmes à un village. Les enfants hurlaient de joie en voyant arriver les voitures. Quand nous nous arrêtâmes, ce fût subitement le silence. Une certaine peur mêlée de curiosité. Nous voulions remplir un de nos bidons d’eau, pour anticiper d’éventuels problèmes. La population de ce village perdu ne parlait pas le français. Je montrais le bidon et portait mon pouce à la bouche pour tenter de faire comprendre que nous recherchions de l’eau. Les enfants me firent signe de les suivre. J’allais le faire lorsque « l’autorité » arriva ! Un joli képi enfoncé sur le front, un short de football et … c’est tout ! Dans un français approximatif, il m’indiqua que les enfants me conduisaient au marigot et que naturellement l’eau n’y était pas potable. Je lui précisais que cela n’avait pas d’importance que c’était « pour faire boire la voiture ». Il rigola. Dans son dialecte, il demanda aux enfants d’aller remplir le bidon et de la ramener à la voiture. Il me proposa de nous donner de l’eau potable. Pour cela il fallait aller à la gendarmerie. C’était une case, assez grande, située sur la place. Il me précéda en écartant la toile qui en fermait l’entrée. Une odeur nauséabonde me surprit. Et là, vision d’un autre monde, d’un autre siècle. Au milieu de la pièce, une table de bois scellée dans le sol. Et attaché à un pied du meuble, un pauvre garçon, d’une vingtaine d’années. En haillons, il avait devant lui une gamelle en fer blanc remplie d’eau et une écuelle avec quelques morceaux de viande douteux. Il me ragrdait surpris et inquiet. Je questionnais le policier. Il me répondit que c’était un voleur de poules. Naturellement, je m’interrogeais sur le fait qu’il soit traité comme cela et sur la durée de sa punition. Il me répondit naïvement qu’il était là depuis 2 jours et qu’il resterait là 2 jours supplémentaires en attendant d’être amené à la prison. Ce pauvre garçon n’avait pas bougé depuis 48 heures. Mais pourquoi donc ne pas lui permettre de sortir pour au moins satisfaire ses besoins naturels qu’il n’avait pu faire que sous lui ? Parce qu’il pouvait s’échapper me répondit il mais aussi parce que le propriétaire des volailles voulait le tuer. Malgré mes tentatives, l’homme au képi ne voulut pas détacher le prisonnier. Ainsi, des dizaines de voitures, des centaines de concurrents passaient devant ce pauvre type, traité comme un chien, sans le savoir. L’Afrique, de toutes les contradictions et tous ces extrêmes. En Afrique, lorsqu’il fait chaud…Il fait très chaud ! Quand il pleut… Il pleut beaucoup ! Quand les africains sont gentils …Ils sont très gentils ! Mais quand ils sont méchants … Ils peuvent être très méchants ! Nous repartons, avec un très fort sentiment de culpabilité. C’est le moins que nous puissions avoir. Quelques kilomètres plus loin, une Lada d’usine arrêtée. La chance est avec nous. Pas avec …..Elles ! C’est celle de Christine Dagremont. La voiture a, de mémoire, des problèmes d’alternateur. Nous tentons de les aider, en vain. Jean Pierre immortalise cet instant en prenant quelques photos. Une d’entre elles figure sur le site et illustre la fiche de ces concurrentes n° 127. Il me semble me souvenir que l’étape fût longue, très longue. Nous sommes arrivés à Mopti dans la nuit.

Portfolio

Le Range au controle technique l'une des multiples crevaisons... Avant le départ d'une spéciale Antoine et le Range Réveil difficile... En plein désert... Doublé par les D'Aboville... Bivouac... La plage promise... Repos... Faut y aller... Avant le départ... Attaque au prologue... Trocadero...de dos

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