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Gérard Paineau...Un amateur sur le Dakar

jeudi 7 juin 2007, par Jeff

Thierry SABINE disait de lui : "L’amateur type du "Dakar"" ! Cet homme est banquier dans une grande ville. Mis hors course lors de sa première participation pour cause d’épuisement, il arriva avant les concurrents à Dakar en empruntant une piste sur laquelle je n’ai jamais osé lancer le Rallye. Depuis, il termine régulièrement à la dernière place des trente classés sur cent vingt concurrents qui prennent le départ." Voici quelques uns de ses souvenirs...

Gérard Paineau a participé à 12 Dakar, 8 à moto, 2 en voiture, comme Navigateur, 1 en voiture, comme Conducteur de Journalistes Japonais et le dernier en camion, comme Navigateur. Il a débuté en 1980, lors de la seconde édition du rallye et a donc participé à 6 des 7 éditions traitées sur Dakardantan. Autant dire qu’il a toute sa place sur notre site et que c’est avec plaisir (et respect !!) que nous publions ses souvenirs relatifs aux éditions d’antan !!!!

Dakar 1980 :

"Dans le Tanezrouft, j’ai dû fatiguer le moteur de mon XT500, tirant trop sur les intermédiaires, j’ai fini par casser le pignon de la troisième… J’ai commencé à ouvrir le moteur avec optimisme et les clefs nécessaires… Des Journalistes de Moto Revue, passant par là, m’ont conseillé de tout refermer et de continuer jusqu’à Borj-Moktar, à 350 kms… en première et seconde, les seules vitesses acceptant de passer…

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1980...Tentative de réparation de la boite de vitesse...

J’ai roulé toute la nuit, à 4.000 tours/minute, environ 40kms/h… ne ressentant absolument aucune angoisse… je roulais en fixant la piste dans le faisceau du phare, j’avais les étoiles au dessus, l’immensité devant moi… l’infini… Vers minuit, j’ai aperçu un feu au loin et m’en suis approché… il y avait un camion avec quelques hommes, dont l’un préparait le thé à la menthe… le thé-man m’a proposé de me joindre à eux… ce que j’ai accepté volontiers… la fraternité du désert… Une demi-heure plus tard, je suis reparti le cœur gonflé de fraternité et de force… Je pensais… rien n’est grave… la Vie est belle puisque j’avance toujours… Je suis arrivé à l’aube à Borj-Moktar, j’ai pointé pour le départ de l’étape, prenant 15 heures de pénalité, puis j’ai acheté le moteur d’un gars qui craquait moralement et voulait rentrer en France… nous l’avons remonté dans mon cadre pendant la journée…

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1980...échange standard en plein milieu du désert !

Je suis reparti en fin d’après-midi et me suis arrêté à Tessalit où j’ai passé la nuit. Sachant que je n’avais plus assez d’essence pour rouler jusqu’à Gao, j’ai acheté un jerrycan de 20 litres d’essence que j’ai fixé sur l’arrière de ma selle et ainsi lesté, j’ai quitté Tessalit avant l’aube. Je suis arrivé à Gao en fin d’après-midi… et comme c’était jour de repos… j’ai simplement pris une 2ème pénalité de 15 heures, mais j’ai pu raccrocher le Rallye, ouf… Entre Gao et Mopti je suis tombé en panne, j’avais oublié de rebrancher un fil sur l’alternateur… J’ai pris du retard et suis arrivé à la tombée de la nuit à Hombori, à 350 kms de Mopti, j’étais un peu épuisé… Invité par un Gendarme, j’ai dormi en prison, le seul endroit à l’abri, où il y avait un lit libre, muni d’une paillasse… Je suis reparti bien avant l’aube, par une piste en latérite assez bonne et fréquentée, pensant rattraper le Rallye… Mais mon gros réservoir d’essence (en métal) s’est mis à fuir, les soudures étaient de bien médiocre qualité… et après 2 pannes d’essence (m’obligeant à mendier de l’essence aux taxis brousse qui passaient de temps en temps), je suis arrivé trop tard à Mopti (vers 9/10h.) et n’ai donc pas pu raccrocher le Rallye, parti sans moi 1 heure plus tôt… Je me suis d’abord mis à pleurer comme un enfant, voyant mon rêve disparaître… puis j’ai pris un déjeuner copieux et petit à petit le moral est revenu… Je me suis mis en quête d’un Soudeur qui a réparé mon réservoir… Pour éviter tout risque d’explosion, le Soudeur (qui soudait sans lunette !) mettait le feu (à l’aide d’une allumette) aux vapeurs d’essence qui sortaient par l’orifice de remplissage du réservoir… A la tête d’une moto enfin en ordre de marche, j’ai décidé de rattraper le Rallye qui repassait par Gao après le détour par Niono et Tombouctou. J’ai repris la piste Mopti/Gao à l’envers.

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1980...sur la piste...

Puis de Gao, j’ai suivi le Rallye jusqu’à Bamako…où, pour ne plus subir le Rallye en restant à la « traîne », j’ai décidé de reprendre mon destin en main… Muni de la carte Michelin N°153, j’ai coupé par la piste du centre, alors que le Rallye partait vers le nord, par Kolokani et Nioro du Sahel. Me retrouver seul à nouveau… quel bonheur de repartir pour l’aventure avec un grand A… J’en ai profité pour avoir des contacts privilégiés avec les Africains que je croisais dans les villages… Par exemple, à Badinko, à 20 kms de Kita, les Anciens du village m’ont invité à me reposer sous la maison des palabres, composée d’un toit, sans mur… Je me suis endormi sur un lit de cordes, bercé par la voix posée et douce de mes hôtes, pendant qu’un café au lait m’était préparé… J’ai retrouvé Thierry Sabine à Kidira, après la traversée du fleuve Sénégal, il attendait l’arrivée des premiers concurrents du rallye… Ce fut finalement une excellente expérience... qui me permit de mieux affronter mes participations suivantes à moto..."

Dakar 1981 :

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1981 : arrivée d’étape

Voici donc 1 photo, de 1981, en plein milieu de la Côte d’Ivoire, après une étape de liaison de 830 km, un Aventurier sorti de la brousse... Dans son livre édité en novembre 1983, intitulé PARIS DAKAR, Thierry SABINE écrivait, à côté d’une photo de moi : "L’amateur type du "Dakar"" ! Cet homme est banquier dans une grande ville. Mis hors course lors de sa première participation pour cause d’épuisement, il arriva avant les concurrents à Dakar en empruntant une piste sur laquelle je n’ai jamais osé lancer le Rallye. Depuis, il termine régulièrement à la dernière place des trente classés sur cent vingt concurrents qui prennent le départ."

Dakar 1982 :

"1982...Souvenir de la traversée du fleuve Niger, à Gao…

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1982 : à l’attaque...

Les passeurs officiels faisaient monter les prix, il y avait d’interminables palabres qui ont fait craindre des retards aux concurrents… La nuit commençait à tomber… j’ai repéré une barque un peu à l’écart et avisé son Propriétaire… Je savais que les vaches étaient transportées sur des barques pour traverser le fleuve, pourquoi pas ma moto ! J’ai négocié le passage pour 100 Francs. Nous avons couché la moto sur le plancher et nous sommes enfoncés dans la nuit, entendant la rumeur du débarcadère s’estomper… Il y avait des marais alentour… au début j’étais crispé et lorsque j’ai senti que l’Homme connaissait son affaire, j’ai profité de ce voyage envoûtant sur le fleuve… La lune venait de se lever, pleine, énorme, fabuleuse… comme un grand vaisseau s’élevant lentement dans le ciel, elle illuminait les berges d’où jaillissaient des lumières, on entendait des cris d’animaux… L’Afrique sourit aux patients et aux débrouillards… Ce soir là, je me suis couché tôt…"

Dakar 1983 :

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1983

La traversée du Ténéré, un moment pour toujours, une chose que personne ne pourra enlever à ceux qui l’ont vécu… La tempête de sable, c’était juste ce qu’il fallait pour basculer dans le grandiose, le fantasmagorique… J’ai adoré être en solitaire, ne compter que sur moi-même et ma boussole, entendre ma respiration, tomber sur les balises (distantes de quelques kilomètres l’une de l’autre) dans cette atmosphère de fin du monde… On est surpris d’être si calme. Plusieurs fois j’ai perdu la piste. Le vent soulevait le sable et dessinait des rectilignes qui donnaient l’impression d’aller toujours droit et dans les traces, mais la piste était en dessous de ce matelas trompeur. Le vent de sable ne permettait de voir les balises qu’arrivé sur elles… Après l’arbre du Ténéré, j’ai navigué à l’estime, à l’aide de ma boussole, en me jurant de ne pas m’éloigner de l’arbre tant que je n’aurais pas trouvé une balise. Je me suis ensablé dans une dune et j’ai poussé à côté de ma moto, en première… Mais rien n’était grave. C’est drôle comme rien n’était grave… comme le temps ne comptait plus… J’ai même croisé une caravane de chameaux qui allait vers Bilma, spectacle géant… j’étais dans un autre monde… je me suis arrêté en coupant le moteur de ma moto, pour mieux m’imprégner de ce qui se passait devant mon regard… cette caravane avait mille ans… Je suis arrivé à Agadès à la tombée de la nuit… la moitié du rallye s’était égarée dans la Tempête…

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1983 : arrivée à l’étape

J’avais une faim de loup… je n’avais plus de force mais mon cerveau fonctionnait toujours… Les petites rues parisiennes étaient pulvérisées… Finalement, on a juste envie de marcher sous les étoiles… de manger et de fermer les yeux quand on est fatigué… Et puis le lendemain l’étape marathon… la folie après le grandiose… 2.200 kms à parcourir en 3 jours et nuits… la piste de nuit dans la brousse et la forêt, les radiers traîtres et cette poussière qui tournoie entre les arbres et ajoute à la fantasmagorie.

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1983 : pied fracturé !!

Avant Léo, j’étais en perdition avec mon phare anémique qui éclairait en tremblant entre les bosses. Nuit noire… Une voiture est arrivée derrière moi et plutôt que de me doubler, ils sont restés à ma roue arrière pour m’éclairer la piste… C’était fantastique ! Je retrouvais de l’énergie, roulant à 50 km/h et pas du tout d’appréhension de sentir son pare-chocs derrière moi à quelques mètres… je volais de trous en bosses… sautant parfois d’une ornière à l’autre. Je crois que l’arrivée de l’étape marathon était à Korhogo, j’étais un peu épuisé... Le pansement sur ma botte de droite, c’était pour protéger mes orteils cassés en Algérie (je l’ai su de retour à Paris), je n’ai plus quitté ma botte durant tout le rallye, je n’arrivais pas à l’ôter... Quand j’y repense, je me dis que c’était de la folie… au Dakar on fait des choses dont on ne se savait pas capable…

Dakar 1984 :

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1984...

J’ai le souvenir de la traversée de la Guinée, paysages magnifiques et aussi, les ponts sur les rivières… faits de troncs d’arbres ronds « jetés » par dessus, sans aucune planche pour les joindre…

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1984...

Passer sur ces ponts à moto, relevait de l’exploit équilibriste… Rouler sur le sommet d’un tronc ou dans le creux formé par 2 troncs… A chaque pont, j’ai choisi la 2ème solution, me paraissant plus sûre, roulant à 2 à l’heure dans le creux de 2 troncs, avec les pieds au sommet pour assurer l’équilibre de la moto… Sur un pont, mes 2 roues sont restées coincées entre 2 troncs un peu disjoints… ma moto tenant debout toute seule, je suis allé chercher un gros cailloux plat que j’ai glissé devant ma roue arrière et j’ai pu arriver jusqu’à la berge… ouf…

Dakar 1985 :

La Mauritanie, quel beau pays ! Lorsque nous avons quitté Nema pour Tichit, le vent de sable s’est levé et le rallye, en convoi, s’est arrêté à Endji d’où nous sommes repartis le lendemain matin… Il y avait pas mal de grogne parmi les concurrents et l’étape s’annonçait comme l’enfer… J’ai pourtant décidé, ce matin là, de voyager léger en abandonnant ma balise et mes fusées dans la voiture d’un copain… Compte tenu de l’ambiance, je pensais bien qu’il n’y aurait pas le contrôle habituel des balises au départ de l’étape… Envie de me sentir libre… plus de cordon ombilical… Juste ma gourde d’eau de 2 litres… et un moral d’enfer…

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1985...

Pour beaucoup, cela a été effectivement l’enfer, avec de nombreux égarés… Quant à moi, je n’ai jamais été aussi zen… je me sentais fourmi parmi les grains de sable, indestructible, décidé à avancer, toujours avancer… décidé de ne pas me laisser distraire par les traces qui partaient dans toutes les directions… Je m’arrêtais souvent pour faire le point avec mon compas, cherchant les repères annoncés dans le road book… Des balises avaient été plantées, de loin en loin… pratiquement invisible par temps de vent de sable… des baguettes de bois longues de 2 mètres, carrées, avaient été utilisées comme balise et leur couleur bois nu se confondait avec le sable du désert… Miraculeusement, j’apercevais dans la direction que je pensais bonne, une ligne droite verticale, comme un mirage et je m’accrochais à ce mirage…

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C’est par là...1985

C’est ainsi que je suis arrivé à une passe annoncée, balisée de baguettes rapprochées…, il n’y avait que très peu de traces des autres concurrents partis avant moi (j’étais dans les derniers…) et j’ai souri en pensant que rien ne pouvait m’arrêter… Après la passe, j’ai continué à suivre les balises mirages…

A proximité de Tichit, mon chemin a croisé une voiture de Médecins, conduite par un Touareg et j’ai décidé de la suivre, remarquant avec quelle grâce, le pilote négociait le passage des petites dunes, en de belles arabesques, un pur bonheur… je me suis pris pour un homme du désert…

Au sujet de la photo sur laquelle je suis entouré par des Touaregs : Dans le désert, lorsqu’on demande son chemin, la réponse, accompagnée du geste, est invariablement « tout droit… », il suffit ensuite de donner un petit coup de boussole en prenant un repère et… d’y aller… c’est facile l’Afrique…"

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Et maintenant,.... ?

Gérard coule une retraite heureuse mais fourmille de projets et d’idées...Il est ainsi à présent propriétaire d’une jument nommée Louisiane, qu’il monte tous les jours. Il participe également à des concours hippiques et de dressage, et pratique avec elle l’éthologie...

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Louisiane

Il n’est pas trop du genre à regarder derrière même s’il avoue lui-même : "Cela me fait tout drôle de revenir sur tous ces souvenirs des Paris-Dakar, j’ai tellement d’images bien nettes en mes pensées... J’ai essayé de raconter toute cette galère... j’ai eu du mal a faire court... plein de souvenirs se sont bousculés... c’est drôle comme la mémoire garde tant d’images du passé... images très claires et précises..."

Merci pour tout, Gérard Paineau, ....pour tout ce que vous avez partagé maintenant et pour tout ce que vous avez fait ...antan.

Portfolio

Louisiane C'est par là...1985 1980...sur la piste... 1980...Tentative de réparation de la boite de vitesse... 1980...échange standard en plein milieu du désert ! 1980 : les problèmes moteur commencent... 1980 : Réparation en plein Tanesroutf 1980 : Gérard attend sagement le départ de la spéciale derrière les deux (...) 1981 : arrivée d'étape 1982 : à l'attaque... 1983 1983 : pied fracturé !! 1983 : arrivée à l'étape 1983...Fin du rallye (1) 1983...Fin du rallye (2) 1984... 1984... 1985...

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