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Le camion qui sauva le Dakar 83

Après réception d’un mail de Bibi

vendredi 8 septembre 2006, par Sébastien

J’ai reçu un mail de Bibi, qui a fait 18 Dakar, mais en avion, car il faisait parti du staff TSO, en tant que responsable des transmissions du centre de presse. Son premier dakar était en 83 pour finir en 2000, et il a aussi suivi 1er Paris-Pekin et quelques rallye de Tunisie et autres.

Vous m’avez demandé si j’avais des anecdotes à raconter sur le Dakar. Effectivement, étant dans l’avion PC, j’ai vu le Dakar de l’intérieur, et assisté à bon nombre de problèmes, surtout du temps de Thierry, car après le 10 éme il y avait un avion PC et un avion Presse. Mais ayant un talkie sur la fréquence rallye je savais tout ce qui se passait... D’ailleurs avec Roger Kalmanovitch, patron de Fidelia, assureur du rallye et le representant-négociateur TSO auprès des pays africains, nous avions, un temps, pensé écrire un livre sur les coulisses du rallye.

Donc je vous envoie une première anecdote qui s’est passée lors de mon premier Dakar en 83, et je pensais bien que le rallye allait s’arreter à Djanet....

L’UNIMO, le camion qui a sauvé le Dakar 83

Djanet, sud algérien.

Demain le rallye rentre au Niger, il est 22h, Thierry Sabine tourne en rond dans l’avion PC, un vieux DC3 de 1945. « Si on ne trouve pas une solution, mon rallye s’arrête ici » répète-t-il.

Concentré sur l’article que je tape sur mon télex pour le transmettre à Paris via un gros émetteur Thomson, je ne prête pas trop attention à son problème. Mais curieux, je me fais expliquer la situation par Patrick Verdoy, le bras droit de Thierry.

Pour acheminer sur le terrain les fûts de kérosène pour les hélicos et ceux d’essence pour les motos, TSO a acheté de vieux camions (certains d’anciens porte-béton) sur lesquels on a soudé des plateaux et donné une bonne couche de peinture. Hélas les mécaniques sont un peu vieillissantes ils ne suivent pas le rythme. Déjà le premier, un Berliet Gazelle, a consommé 60 litres d’huile entre Paris et Sète, il restera sur le quai du port.

Demain l’étape emmène les concurrents de Djanet à Chirfa (plus de 500 km). Il faut absolument un camion de ravitaillement d’essence pour les motos à mi-chemin, sinon elles n’arriveront pas à l’étape. Un membre de TSO a déjà fait un tour dans la ville et ses environs pour louer, voire acheter, un camion, mais rien. Des bidons vides de 200 l feraient l’affaire mais pas de camion. Thierry, inquiet, lâche « Si je n’ai pas de camion pour ravitailler mes motos, le rallye s’arrête ici. Je ne vais pas lâcher les concurrents motos et continuer avec les voitures ».

Thierry va manger au bivouac, chez Africatours (appelé communément « Africabouffe »). Il revient vers minuit et demande si on a des nouvelles des camions. Je lui réponds qu’avec la nuit la fréquence radio est tombée et que plus personne ne répond. Il s’endort sur le fauteuil, très rustique, du poste de pilotage du DC3. L’inquiétude se lit sur son visage.

Je finis de taper mon dernier papier (en néerlandais, ???, j’adore… !) Je le transmets à Paris. Il est 2 h, je prépare mon duvet ; cette nuit je vais dormir tout habillé, recroquevillé sur 2 sièges de l’avion car il fait trop froid pour dormir dehors. Au moment ou je m’apprête à éteindre le groupe électrogène, je perçois au loin le bruit d’un camion qui se rapproche. Il vient se garer au pied de l’avion, c’est l’UNIMO.

Affrété par un Suisse, ce camion, luxueusement équipé d’une salle d’opération, d’appareils de radiologie, une véritable clinique à lui seul, profite du rallye pour être livré au Sénégal. Il sert aussi aux toubibs le soir à l’étape.

Thierry, qui a entendu le moteur du Volvo, sort de l’avion et le voyant s’écrie : « Elle est là ma solution ». Il me lance « Vite, réveille tes copains, j’ai besoin de vous » et part expliquer au propriétaire et à son chauffeur son intention de réquisitionner le véhicule pour transporter des fûts d’essence pour les motards. Refus, refus, refus. Thierry lui explique que s’il refuse il lui interdit de continuer avec le rallye et fait saisir le camion par les autorités algériennes……

Accompagné des sanglots du Suisse, avec mes copains nous passons 2 h à démonter le matériel et à le sangler dans le fond du camion. Un tracteur avec sa remorque apporte des bidons cabossés, ils sont chargés dans la salle d’opérations, par précaution, on les pose sur des cartons. Un camion d’essence vient pour les remplir. Gag : la moto-pompe refuse de démarrer. A nous la pompe à main Japy… !

A 6h le camion est prêt à partir pour un point donné dans le désert mais Thierry méfiant invite le propriétaire à faire l’étape dans le DC3, remplacé par un membre de TSO. « C’est plus sûr » lance-t-il. Avant de se diriger vers son hélico, il vient s’excuser de nous avoir fait passer une nuit blanche, et nous promet de nous payer la langouste à Dakar.

La langouste et le petit blanc nous ont fait oublier cette nuit sous le ciel étoilé de Djanet. A la fin du repas Thierry a voulu tirer une fusée de détresse dans le ciel de Sali Portudal…. Erreur de trajectoire… elle met le feu au toit de la grande payotte du restaurant….

(Pour la petite histoire, le camion est bien arrivé, mais son propriétaire, que j’ai retrouvé 15 ans plus tard à l’arrivée d’un Dakar, m’a dit que le camion n’a jamais trouvé d’acquéreur. Il a vendu le matériel médical au bout de 3 ans, démonté la caisse et vendu le châssis nu au bout de 5 ans…)

Bibi

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