Accueil du magazine > Paris Dakar 1980 > Articles motos 1980 > L’équipe Vespa part à la conquête de Dakar

L’équipe Vespa part à la conquête de Dakar

L’usine Vespa s’engage sur le Dakar 1980

jeudi 7 septembre 2006, par Jeff

"Parcourir le désert, le Sahel et certaines pistes africaines en VESPA constitue déjà en temps ordinaire une délicate aventure mais le faire en compétition face aux autres concurrents disposant d’engins mieux adaptés à ce genre de compétition, c’est le pari de VESPA"

la préparation des engins

L’équipe des pilotes Vespa étant donc complète, la préparation des engins peut être mise en route. Le choix des scooters s’est en fait naturellement porté sur le type le plus performant, le VESPA 200, avec une cylindrée d’environ 150cm3. Les quatre VESPA seront spécialement préparés par l’usine PIAGGIO de Pontedera, en Italie. Cette préparation consistera surtout à renforcer certaines pièces (guidon, fourche, amortisseurs, pneus), à alléger les engins des pièces inutiles et à les doter d’un réservoir supplémentaire afin d’augmenter l’autonomie. On verra par la suite que de nombreux problèmes concernant les VESPA viendront de pièces qui n’auront pas été renforcées et qui casseront pendant le rallye. Ainsi, donc, coté deux roues, tout est prêt !! La seconde partie du projet de J-F PIOT est donc de présenter une équipe d’assistance tellement attrayante par la renommée des pilotes qu’elle sera également source d’intérêt pour les journalistes. Piot appelle donc ses anciens amis rallymen et pilotes de circuit pour monter son équipe. C’est ainsi qu’il contacte Henri Pescarolo (qui compte déjà plusieurs participations et victoires au Mans, plusieurs titres de champion de France en F2 et F3 !!!!!) et René Trautmann (plusieurs fois champion de France et d’Europe des rallyes !!!) qui répondent présent tout de suite. Piot contacte également son ami Jean-Pierre Hanrioud (au palmarès tout aussi lourd en rallye avec de nombreuses victoires !!!!!) qui dans un premier temps n’est malheureusement pas disponible. En effet, J-P Hanrioud, qui vient d’arrêter sa carrière de pilote, vient d’être recruté par Pirelli France et s’occupe de plusieurs pilotes en rallye dont J-Claude Andruet et Michelle Mouton. Responsable de la fourniture de pneumatiques pour ces pilotes (et d’autres), J-P Hanrioud annonce dans un premier temps à J-F Piot qu’il ne pourra pas participer à l’aventure. Piot contacte donc un autre pilote chevronné de l’époque, Guy Chasseuil, qui accepte. Le quatrième Land sera piloté par Piot lui-même et quant au cinquième, il sera piloté par François Brébant, responsable marketing PIAGGIO. Ce sera un châssis long tôlé qui assurera la maintenance de l’équipe et qui sera prêt à prendre la relève en cas de défaillance de l’un des véhicule (extrait de dossier de présentation de l’équipe VESPA...Merci J-P Hanrioud en passant). Aux côtés de F. Brébant, dans ce Land d’assistance, sera également présent Dominique Nayrole (présenté à Piot par Fenouil) qui est kiné et qui s’occupera de l’assistance “humaine” de l’aventure. La composition de cette assistance de choc est donc quasiment définitive à quelques semaines du départ. le choix des véhicules s’est porté sur des Land Rover V8 (tout neufs !!).

Tout est prêt quand deux événements vont coïncider et apporter un léger changement dans l’équipe. J-Pierre Hanrioud rencontre des difficultés dans son travail avec un manufacturier italien (Les italiens sont selon lui adorables mais ingérables !!!) et des pilotes de rallye qui veulent des pneus “qui n’existent pas” (pas facile à gérer non plus). Sentant arriver le Tour de Corse avec de probables conflits de part et d’autre, J-Pierre Hanrioud décide de partir de chez Pirelli France et du coup, se retrouve libre pour cette fin d’année 79 et donc, le Dakar. Il recontacte J-F Piot qui lui annonce que Guy Chasseuil se trouve de son côté dans l’impossibilité de partir sur ce dakar. C’est ainsi que Jean-pierre Hanrioud se retrouve donc le quatrième pilote des lands d’assistance à la place de Guy Chasseuil (qui reviendra sur le Dakar dès l’année suivante !).

la présentation presse

L’équipe officielle VESPA se retrouve donc courant décembre dans un restaurant parisien pour la présentation presse et se compose comme suit :

Pilotes scooter :
- n° 5 : Yvan Tcherniavsky
- n° 6 : Bernard Tcherniavsky
- n° 7 : Bernard Neimer (reconaissable à son écusson de la Police Nationale sur le carénage du scoot)
- n° 8 : Marc Simonot

pilotes Land :

- n° 196 : Henri Pescarolo / Mauro Bellatriacia
- n° 197 : René Trautmann / Roberto Valleci
- n° 198 : François Brébant / Dominique Nayrole
- n° 199 : Jean-Pierre Hanrioud / Moreno Bertini
- n° 200 : Jean-François Piot / Bruno Spragia

Juste pour terminer et situer un petit peu le niveau d’engagement de cette équipe, le budget tout compris avoisinait les 60 millions de francs (de l’époque) et chaque pilote auto touchait un cachet de 10000F pour sa participation. C’était un gros investissement ce qui explique la volonté de J-F Piot de réussir son pari et de faire terminer ses VESPA sur ce Dakar.

1er janvier 1980

Quelques semaines avant, la présentation de l’équipe a eu lieu dans un grand restaurant parisien avec M. Paolo CAGIATI, président de VESPA. La presse fut évidement conviée afin de relayer au mieux l’évênement et Piot a même proposé à quelques journalistes de les inviter à l’arrivée du Dakar...Ce projet verra en partie le jour mais dans des proportions moindres que celle imaginées par J-François Piot à l’origine.

JPG - 15.4 ko
JPG - 19.9 ko

Maintenant, la course va réellement commencer même si, pour l’instant, le Trocadéro n’est que le départ symbolique. La froideur de la France de ce début d’année nécessite de la part des pilotes VESPA le port de combinaisons spéciales et des "manchons" adaptés. (on verra par la suite quel sort leur fut réservé pendant le rallye !!!) Malgré tout, la ferveur de la foule permet sans difficulté d’atteindre Olivet pour le prologue. Pour cette première mise en jambe, Piot a pensé à tout (il a l’expérience de l’année passée) et a éloboré une stratégie pour son équipe. Le classement de ce prologue décidant de l’ordre de départ de la première spéciale en Afrique, il est primordial de laisser le moins d’écart possible entre les VESPA et leurs véhicules d’assistance. La solution est donc simple en théorie :
- les 4 VESPA doivent finir dernières des motos.
- les 4 Lands d’assistance doivent faire "péter" un temps pour être en tête des autos.

Pour les scooters, pas de soucis....Ils prennent le départ de ce prologue les uns après les autres puis ...s’arrêtent ensemble avant la fin de celui-ci pour papoter !!! Spectacle hallucinant que de voir les 4 pilotes discuter ensemble pendant que les autres concurrents moto tentent de faire un temps !! Ils vont terminer 199, 200, 201 et 202ème sur 204 véhicules classés (et derniers des motos) !!!!

Pour les Lands, c’est une autre affaire !!! C’est moins facile de terminer devant que de se laisser prendre 1/4 d’heure par tout le monde ! D’autant que la concurrence est relevée et surtout que le terrain d’Olivet est très boueux (parlez en à Groine qui y planta son Mercedes Frigo !!). C’est donc au tour des PIOT, HANRIOUD, TRAUTMANN et PESCAROLO de faire parler la poudre ! Ce sera l’attaque totale et la justification du choix de ces pilotes !! Du coup, les temps tombent et les Lands sont effectivement dans les premiers :

PIOT finit 40ème au général et 11éme des voitures. PESCAROLO finit 44ème au général et 12éme des voitures. TRAUTMANN finit 60ème au général et 18éme des voitures. (juste devant l’équipage LOURSEAU/GRANJA/LEFEBVRE !!!!) HANRIOUD finit 91ème au général et 38éme des voitures. BREBANT avec son véhicule chargé à mort finit quant à lui 153ème.

La tactique élaborée a donc marché d’autant qu’avec les jeux des pénalisations et les incidents sur le parcours jusqu’à Sète, les 4 VESPA se retrouvent classés 61,62,63 et 64 ème (il y a encore quelques 20 motos derrière eux !!!), et les Lands se classent 5,6,10 et 28ème.

Tout est donc en place pour affronter l’Afrique comme Piot l’a imaginé !!!

la première spéciale africaine

En ce début du mois de Janvier, pour la première spéciale africaine, tout semble donc prêt pour que la course des VESPA se passe pour le mieux. Les 4 scooters vont partir parmi les dernières motos et les Lands d’assistance, étant dans les premières autos à s’élancer, vont pouvoir rapidement les rattraper et jouer leur office de Saint-Bernard. Pour plus d’efficacité, Piot a même créé des “doublettes” en attribuant à chaque Land un Vespa dont il a la charge.

JPG - 27.2 ko
JPG - 14.3 ko
JPG - 24.2 ko

Mais l’Afrique, la course et ses impondérables, la difficulté du terrain et les conditions dantesques de la course en scooter vont très rapidement mettre à mal cette organisation qui semble infaillible sur le papier. Il ne faudra d’ailleurs qu’une dizaine de kilomètres dès la première spéciale pour que les ennuis commencent et que l’équipe VESPA entre de plein fouet dans les galères qui vont durer pratiquement toute la course. Le premier gros problème va donc survenir très rapidement sur les pistes algériennes par des crevaisons à répétition pour l’ensemble des scooters. Ces crevaisons vont faire exploser l’organisation interne de l’équipe car les pilotes VESPA ne conçoivent pas qu’un Land ne s’arrête pas pour leur changer une roue sous prétexte que ce Land n’est pas attribué au scooter qui se trouve sur le bord de la piste !!! Cette organisation imaginée par Piot aurait pu marcher si les VESPA étaient partis en même temps que les Lands, mais les scoots ayant rencontré des problèmes avant d’être rattrapés par l’assistance, toute l’ossature de l’organisation s’écroule.
JPG - 20.3 ko
JPG - 22.9 ko
JPG - 20.7 ko

Heureusement, les Lands sont chargés (surchargés) de roues et tous les scoots sont réparés. Mais les crevaisons se succèdent à un rythme surprenant et ce ne sont pas les pneus ni les cailloux pointus de l’Algérie qui sont en cause. En fait, les suspension arrière des scouts sont maintenues par un silent-bloc. Avec les vibrations et efforts répétés, ces silent-blocs se cassaient, l’ensemble propulseur bougeait et les roues venaient frotter contre les capots arrières des scooters, entraînant les crevaisons. Bernard Tcherniavsky nous l’a bien dit, des pièces avaient été changées et adaptées pour le course, mais pas ces silent-blocs. Trop fragiles, ils ne résistaient pas !!! Ce problème de silent-bloc fut donc à l’origine des premiers gros soucis des VESPA, détruisant les pneus, faisant exploser les consignes de course, l’organisation de l’équipe, mettant à mal le moral des pilotes, d’autant qu’ils ne purent pas être modifiés avant GAO. En effet, Piot fit une commande express à l’usine VESPA qui modifia les pièces pour les rendre plus solides mais elles n’arrivèrent qu’à la journée de repos à GAO. Jusque là, toute l’équipe dut faire face à des crevaisons à répétition et des conditions de coures épuisantes !!! Ils finirent toutes les étapes à la nuit, rassemblés pour s’entraider, prenant à chaque fois la pénalité forfaitaire !!! Quelques exemples :

In-Sallah- Reganne : Piot et Pesca sont classés derniers de l’étape juste après Neimer et Y. Tcherniavsky qui ont passé plus de 9 heures sur les scooters !

Reganne- Bordj-Moktar : Piot, Hanrioud et Trautmann évitent de peu la pénalité alors que Pesca la prend (10 heures). Les pilotes ont passé 12 heures sur les machines !!!

Bordj-Moktar- Gao : c’est de plus en plus difficile : les 5 lands VESPA arrivent ensemble derniers (pénalité) avec les 4 Vespa qui ont roulé presque 14 heures !!!!!!

La journée de repos arrive bien !!!!!

Allez, remontons sur nos petites Vespa et reprenons notre épopée de 1980. Comme je vous l’ai déjà dit, après avoir rencontré ou contacté plusieurs acteurs de cette aventure, on peut maintenant en savoir un peu plus cet exploit !!! Car il s’agit bien d’un exploit que d’amener des Vespa sur un dakar et de tenir le pari que de les faire arriver au bout. Avec le recul (mais déjà à l’époque), tous les protagonistes s’accordent pour dire qu’il fallait être un peu fou (voire carrément !!!!) pour partir dans cette aventure et que les scooters, même préparés et escortés par leur assistance de choc, n’étaient pas les véhicules faits pour affronter le rallye !!!!

JPG - 24.3 ko
JPG - 18.6 ko
JPG - 8.1 ko

En fait, le courage des pilotes des scoot et surtout la volonté de réussir de Jean-François Piot sont la clé de cette performance...mais aussi l’explication de quelques "contournements" de règlement !!! Finir à tout prix, faire en sorte que des Vespa soient sur la Plage de Dakar !!!! A Paris, on peut y croire, mais dès l’Afrique, l’équipe s’aperçoit, outre les problèmes d’amortisseurs et de silent-blocs, que ce sera une vrai galère !!! Bernard Tcherniavsky, dès la seconde spéciale, tombe très lourdement et se blesse à l’épaule...C’est peut-être ce qui lui permettra de finir car il veillera chaque jour à prendre un peu plus soin de lui que ses compagnons et jouera la carte de la régularité plutôt que la vitesse. Mais les très gros soucis pour toute l’équipe vont commencer avant Gao, lors de la spéciale Bordj-Moktar/ Gao.

Portfolio

Les Vespa au Trocadéro Les notes pour l'assistance n° 5 : Yvan Tcherniavsky n° 6 : Bernard Tcherniavsky n° 7 : B. Neimer n° 8 : M. Simonot Assistance !!! La 199 La 198 la 196 L'équipe au soir... B. Tcherniavsky La 200 Pesca au prologue Piot à l'attaque Quand on vous dit qu'ils attaquent !!! Départ de spéciale... Avant de se faire doubler... Pineau au guidon du Vespa de Neimer...

Accéder à l'accueil

Sous menu